Matrix Resurrections et la tentation du méta
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« Rien n’apaise l’anxiété comme un brin de nostalgie ». Cette phrase de Morpheus (sa nouvelle version tout du moins, incarnée par Yahya Abdul-Mateen II) pourrait résumer toute l’intention derrière le projet de Matrix Resurrections. Près de 20 ans après la trilogie originelle, Matrix revient sur nos écrans, après avoir littéralement changé la face du cinéma d’action et de science-fiction. Un tel projet de film ne pouvait susciter qu’un mélange entre méfiance et curiosité auprès d’un public ayant vécu les profondes mutations qu’a subies l’industrie du divertissement ces dernières années. Fallait-il ressusciter Matrix en 2021 ? Quelques éléments de réponse.
Genèse d’une suite
Il est important de rappeler que Warner Bros envisageait bien une nouvelle itération de Matrix en 2017, sous la plume de Zak Penn (Ready Player One) avec dans le rôle-titre Michael B. Jordan (Black Panther, Creed). Mais c’était avant que Lana Wachowski imagine une suite alors qu’elle et sa sœur Lily vivent le deuil de leurs deux parents. Si cette dernière n’est pas de la partie, estimant une telle entreprise comme une régression dans son propre parcours, Lana y voit ici une manière de surmonter son deuil. Ces éléments de contexte nous permettent d’esquisser la relation embryonnaire de l’œuvre entre fiction (la franchise Matrix) et la réalité (la vie des Wachowski et l’industrie dans laquelle elles opèrent).
On est donc peu surpris de voir la direction que prend ce Matrix Resurections, revêtant un caractère méta maintenant bien connu du grand public. Thomas Anderson, l’alter ego de Neo dans la matrice, n’est pas mort, il est désormais concepteur de jeux vidéo, avec pour fait d’arme d’avoir créé les trois jeux de la trilogie d’origine. Quand son patron incarné par Jonathan Groff (Mindhunter) lui révèle que la maison mère Warner Bros. (tiens donc) veut une suite, un Matrix 4 digne de ce nom, Thomas est perplexe, tout comme nous à l’annonce de ce 4ème opus en 2019.
Le choix du médium vidéoludique n’est ici pas anodin : les sœurs Wachowski ont toujours déclaré que la franchise aura pour seule suite une série de jeux vidéo (Enter The Matrix, Matrix Online et The Matrix : Path of Neo), qui n’ont malheureusement pas connu le succès escompté. Quand Neo s’exclame « Ils ont transformé ma vie en un jeu vidéo », la réplique a un double sens dépassant le simple procès de récupération abusive qu’elle pourrait porter.
Hollywood dans le viseur
Loin donc d’utiliser la ficelle du méta pour du simple fan service, Matrix Resurrections se soumet ici à sa propre psychanalyse, à l’instar de Thomas Anderson dans le film : une telle suite doit-elle exister ? Si oui, comment proposer une nouvelle itération novatrice après le happening artistique qu’était Matrix en 1999 ? Comme le rappelle Paul Hebert dans son analyse du film sur le site legrandoculaire en citant Baudrillard, « toute critique du système est produite par le système lui-même afin de se légitimer ». Le film joue ainsi autour d’une infime ligne entre récit subversif sur la perversion culturelle par le grand Hollywood et autocritique d’une suite que personne, à part l’industrie, n’avait demandée.
Il n’en reste que ce 4eme opus est un objet d’analyse fascinant, malgré ses quelques régressions en termes de mise en scène et d’action. Contrairement à ce qu’affirme avec certitude le personnage de Jude lors d’un intense brainstorming, Matrix ce n’est pas que du « bullet time ». À l’instar de cette nouvelle version de la matrice, la franchise ne peut vivre sans la polarité que représentent Neo et Trinity : le + et le - d’une inestimable source d’énergie pour l’Analyste, mais qui une fois ensemble mettraient à mal tout l’équilibre du système.
On revient alors à l’essentiel, à l’émotion, à l’amour qui déjoue ici le plus complexe des algorithmes. Matrix Resurections prend une direction inattendue et pourtant si logique : c’est une suite qui se regarde dans le miroir (motif présent tout au long du film) pour mieux justifier son existence, non sans maladresse. Et rien que pour ça, on peut se réjouir qu’elle existe.
Hugo Cléry | @HugoClery
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