ALWAYS, ou le grand film incompris de STEVEN SPIELBERG
Explorez le cinéma selon vos préférences
Découvrez la toute nouvelle expérience dédiée aux passionnés de cinéma : un moteur de recherche intelligent, des expériences exclusives, des contenus inédits et personnalisés.
Créez gratuitement votre compte pour bénéficier des Privilèges We Love Cinéma!
Sorti en 1989, Always de Steven Spielberg semble être l’une des œuvres les plus mineures du cinéaste. Échec au box-office (seulement 74M$ dans le monde, pour un budget de 30), coincé entre Indiana Jones et La Dernière croisade et les impressionnants Hook, Jurassic Park et La Liste de Schindler, le film apparaît comme une erreur de parcours. Il est pourtant l’un des films les plus intimes et charnières de la carrière de l’ami Steven.
Always, l’incompris
Le film raconte l’histoire de Peter Sandich (Richard Dreyfuss), aviateur casse-cou et pompier de l’air trouvant la mort au cours d’une mission, et revenu sur Terre en tant qu’esprit pour veiller sur l’amour de sa vie (Holly Hunter). Un mélodrame servi par des acteurs ma foi sympathiques (John Goodman et Audrey Hepburn complètent le casting), mais qui ne montre à première vue aucune aspérité particulière. Ce serait pourtant mal connaître Spielberg, qui ne choisit pas ses projets par hasard Et celui-ci traîne depuis le tournage des Dents de la mer en 1974. Richard Dreyfuss et lui s’y trouvent une passion commune pour Un nommé Joe, film de guerre de 1943 de Victor Fleming, avec Spencer Tracy et Irene Dunn en têtes d’affiche. Dreyfuss l’a vu plus d’une trentaine de fois, Spielberg en garde un souvenir d’enfance marquant, et les deux hommes se mettent alors en tête d’en faire un remake, transposé à l’époque contemporaine. Après 10 ans à être bloqué au sol, le projet sortira finalement sur les écrans américains le 22 décembre 1989, à un moment où ses thèmes auront un tout nouveau sens pour son réalisateur. Car dans cette adaptation, si le personnage incarné par Dreyfuss joue d’abord le rôle de l’esprit frappeur, il comprend que s’il aime sa femme, il doit la laisser continuer sa vie, et sans aller vers l’au-delà. En d’autres termes, il saisit toute la beauté du “let go” américain (“laisser aller”), ou cette idée qu’il y a dans l’abandon et le renoncement, quelque chose de positif, et d’un certain ordre des choses.
Let it go
Un thème plutôt rare dans le cinéma de Steven Spielberg, où les héros sont plus accoutumés à aller au bout de leurs projets malgré les adversités. Mais ce thème a fait une entrée fracassante dans sa carrière en 1989, puisque son autre long-métrage de l’année - Indiana Jones et La Dernière Croisade - place dans son dernier acte Indy face à un dilemme : être sauvé par son père, ou chercher à saisir un Graal qu’il a désiré toute sa vie. Là encore, il doit apprendre à “laisser aller”, et prend finalement la main de son paternel. Cette philosophie toute en maturité arrive à un moment crucial pour Spielberg, autant personnellement que professionnellement. Son film précédent, L’Empire du Soleil, fut un échec public, et il vient d’être papa pour la première fois d’un petit Max Samuel, né en 1985 de son union avec Amy Irving… La même Amy avec qui il divorcera justement en 1989, pour se mettre en couple avec l’actrice Kate Capshaw rencontrée sur le tournage d’Indiana Jones et le Temple Maudit en 1983, et qui est toujours son épouse aujourd’hui. Plusieurs années forcément délicates pour Spielberg, et qui se traduisent par une évolution dans les thèmes et la tonalité des films du réalisateur. Sous ces nouvelles responsabilités, il ne peut plus seulement faire des films-fantasmes, ceux qu’il rêvait de faire étant gosse, et qui l’ont fait connaître dans la première partie de sa carrière (Les Dents de la mer, E.T., Indiana Jones, 1941, Amazing Stories…). Il doit d’une certaine façon mûrir, faire évoluer son regard et son statut de cinéaste, et 1989 est à ce titre une année charnière.
Au revoir les enfants
Si Indiana Jones et La Dernière Croisade parle plus directement de cette relation père-fils que Spielberg découvre avec Max, Always prend un tout autre sens à la lumière de la vie personnelle du réalisateur. Remake d’un de ses films d’enfance, mélodrame aux accents comiques, et comme on l’a vu doté d’une morale douce-amère sur le “laisser aller”, le film est aussi une manière pour Steven Spielberg de débuter une mue. Celle-là même qu’il continuera 2 ans plus tard avec Hook ou la revanche du Capitaine Crochet, à nouveau sur un Peter Pan devenu père de famille et obligé de prendre ses responsabilités. Avant de partir dans les années 90 et 2000 sur des productions plus sombres et politiques (La Liste de Schindler, Il faut sauver le soldat Ryan, Minority Report, Munich…).
Vu comme ça, Always et l’année 1989 semblent donc relativement mineurs. Mais on l’a vu, ils sont la jointure, l’articulation entre deux Spielberg, à la fois identiques mais si différents. Deux facettes que l’on pourrait grossièrement étiqueter “enfant” et “adulte”. Mais nous ne le ferons pas. Car l’évolution du cinéma d’un cinéaste et aussi et surtout l’évolution de la vie d’un homme. Notons simplement qu’en 1989, Steven Spielberg décida de relever un peu le niveau de sa caméra, de filmer d’autres personnages, et de raconter d’autres histoires. Toujours avec autant de brio
Par Thibaud Gomès-Léal
Explorez le cinéma selon vos préférences
Découvrez la toute nouvelle expérience dédiée aux passionnés de cinéma : un moteur de recherche intelligent, des expériences exclusives, des contenus inédits et personnalisés.
Créez gratuitement votre compte pour bénéficier des Privilèges We Love Cinéma!