La fascinante absurdité de Yórgos Lánthimos
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Et si notre société n’était qu’une vaste absurdité ? C’est la question que semble poser inlassablement Yórgos Lánthimos depuis plus de 20 ans, et qui se retrouve aujourd’hui dans son nouveau film Pauvres créatures. L’occasion de revenir sur l’évolution de cette idée forte dans le cinéma de l’un des réalisateurs les plus passionnants de sa génération.
Fascinante étrangeté
Dès son second long-métrage - Kinetta en 2005 - Yórgos Lánthimos montre sa fascination pour ce qu’on pourrait qualifier de spectacle du genre humain. En racontant l’histoire de trois inconnus s’unissant pour recréer des meurtres, le cinéaste met déjà en scène l’absurde, le vivant et la mort, jusqu’à ce que la fine frontière entre le jeu et la réalité disparaisse totalement.
Un procédé grotesque, dont il offre une variation plus aboutie dès son film Canines en 2009.
Ici, des parents élèvent leurs enfants dans une villa, leur offrant une éducation coupée totalement du monde extérieur. On retrouve ici cette idée de la mise en scène, ajoutée à une mise en perspective sur notre société. Et Lanthimos semble nous interroger : notre monde est-il plus légitime que le leur ? Notre réalité n’est-elle pas aussi absurde que celle construite par ces parents ?
Le cinéaste pousse cette idée encore plus loin deux ans plus tard dans le long-métrage Alps. Dans ce film, des comédiens jouent les rôles de personnes décédées auprès de leurs proches, afin de les accompagner dans leur deuil. Une nouvelle mise en scène de la vie et de la mort, comme mécanisme de protection à une certaine réalité.
Terrifiante docilité
Mais que ce soit dans Canines, Alps ou même The Lobster en 2015, le plus étrange et dérangeant ne se trouve pas dans ces mises en scène douteuses, mais plutôt dans ces personnages qui s’en accommodent tout à fait. Tous acceptent tantôt une situation improbable, tantôt une règle sociale grotesque, sans remettre en cause plus que ça cette absurdité inhumaine. Un concept poussé à son paroxysme par Lanthimos dans The Lobster, qui a véritablement propulsé le cinéaste grec dans une dimension internationale.
Dans ce film, tout célibataire est amené dans un hôtel et à 45 jours pour y trouver l’âme soeur, ou il sera transformé en animal. Ce qui pourrait être l’histoire kafkaïenne d’un individu sensé pris au piège d’une situation absurde comme celle-ci, est finalement le récit d’un homme assujetti à ses règles, et qui tente tant bien que mal de trouver le bon animal. Un dispositif qui nous amène, nous spectateurs, à repenser les tenants et aboutissants sociaux qui nous traversent, et que nous n'avons jamais vraiment remis en question.
Et c’est sans doute cela le plus étrange et fascinant dans le cinéma de Lánthimos : la terrifiante docilité de ses héros face au monde qui les broie. Une histoire dans laquelle le héros ne se débat pas, ne tente pas de fuir ou de s’en sortir… et qui place devant nous un miroir : n’est-ce pas déjà, dans votre vie, une réalité ?
“Le roi est nu”
À bien des égards, le cinéma de Yórgos Lánthimos se rapproche ainsi de celui de Ruben Östlund (The Square, Sans Filtre) : l’exagération de situations sociales étranges, grotesques, et souvent comiques, dans un but satirique. Une manière de crier “le roi est nu” au public, pour mieux lui montrer les lourds fils qui l’animent.
Après avoir mis en lumière cette thématique dans le cadre de la famille (Canines, Mise à mort du cerf sacré), de la relation sentimentale (The Lobster), et d’une cour royale (La Favorite), Lánthimos va se balader du côté du conte philosophique dans son dernier film Pauvres créatures, dans lequel il change légèrement de paradigme.
S’il moque toujours les moeurs traditionnelles, il le fait à travers l’innocence du personnage principal incarné par Emma Stone. Tel le Candide de Voltaire, Bella Baxter questionne et met en perspective l’absurde des conventions sociales, jusqu’à clouer au pilori le patriarcat.
Un spectacle génial et corrosif, déroutant et fascinant, et d’une beauté plastique étourdissante. Le chef-d’oeuvre de son réalisateur, sans aucun doute.
de Thibaud Gomès-Léal
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