La Zone d’intérêt : le soleil brille, l’horreur gronde
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Cinéaste imprévisible, à l’origine de Sexy Beast (2000), Birth (2004) et Under the Skin (2014), Jonathan Glazer a rejoint, pour la première fois, la compétition officielle du Festival de Cannes avec son quatrième long-métrage, La Zone d’intérêt. Cette adaptation audacieuse du roman éponyme de Martin Amis lui a d’ailleurs valu le Grand Prix. Retour sur un choc de cinéma.
Trivialité obscène d’une vie paisible
Comment raconter la Shoah à l’écran ? Les cinéastes n’ont cessé de s’emparer du sujet au fil des années et la question demeure. Dans La Zone d’intérêt, Jonathan Glazer met en images l’atrocité du système nazi à travers un dispositif singulier. Terme employé par les nazis, la « zone d’intérêt » désigne les 40 km² qui entouraient Auschwitz, le plus grand camp de concentration du Troisième Reich. Le cinéaste prend alors le parti de raconter la vie de famille de Rudolf Höss (incarné par Christian Friedel), à quelques mètres de ce camp dont il est le commandant : une grande villa avec piscine, un jardin fleuri, des enfants qui jouent et, de l’autre côté du mur, la mort.
En observant ces scènes de vie quotidienne à travers des plans larges, éclairés par la lumière naturelle, on a une vague impression de télé-réalité. Et pour cause, Jonathan Glazer a demandé aux acteurs de jouer durant de longues prises ininterrompues devant des caméras fixes et parfois cachées. Ce qui se joue dans cette maison, symbole, pour le couple Höss l’élévation sociale permise par le système nazi, relève autant de l’individualisme que de l’abject. On surprend une partie de pêche troublée par la découverte d’un os humain dans la rivière, on regarde Hedwig Höss (l’excellente Sandra Hüller) essayer des manteaux de fourrure confisqués à des déportés ou protester lorsqu’on lui annonce qu’elle va devoir quitter sa demeure idéale. L’horreur est là, partout, et s’incarne dans les visages de ces bourreaux.
Hors-champ assourdissant et mise en perspective
Les premières minutes de La Zone d’intérêt mettent à mal notre ouïe et en disent long sur ce qui va suivre : si l’image est profondément dérangeante, l’horreur reste en hors-champ. Le travail du son, réalisé par Johnnie Burn et la musique originale de Mica Levi sont remarquables et construisent l’atmosphère asphyxiante du long-métrage, traduisant tout ce qui se passe hors de l’image.
Tout au long du film, le cinéaste tente de saisir l’humanité ou l’absence d’humanité de ses protagonistes, en donnant à voir leur vie familiale, mais aussi les interactions professionnelles des cadres du régime nazi autour de la solution finale : de quoi nous donner la nausée, autant qu’au personnage Rudolf Höss. Entrecoupé d’images d’espoir, filmées en caméra thermique et conclu par une mise en perspective vertigineuse et retentissante, La Zone d’intérêt réfléchit avec intelligence autant sur la banalité que sur l’absurdité du mal.
La Zone d’intérêt présente un point de vue inédit dans les représentations de la Shoah à l’écran, dans l’intimité de ses bourreaux. Jonathan Glazer signe une œuvre d’une grande puissance, dont le contrechamp final demeurera indélébile.
Marie Serale | @marie_serale
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