“Tous ceux qui cherchent à comprendre périront”

Dans un Tokyo en flammes, Mahito, un jeune garçon de onze ans, perd sa mère. Pour fuir la guerre, il part s’installer avec son père dans un vieux manoir à la campagne. Là, dans le village d’enfance de sa mère, il rencontre un héron cendré qui dit vouloir le conduire jusqu’à celle-ci. Conte initiatique avec le deuil comme point de départ, Le Garçon et le Héron s’inspire du roman Et vous, comment vivrez-vous ? de Genzaburô Yoshino (1937) et lui emprunte son titre original. Réputé pour son travail d’orfèvre, Hayao Miyazaki a consacré sept années de labeur à ce nouveau long-métrage : un record dans la carrière du cinéaste. En résulte une véritable splendeur : des paysages aussi féériques que ceux qu’on lui connaît, la mise en images de peurs profondes et des mondes imaginaires vertigineux. 

“Tous ceux qui cherchent à comprendre périront”. Cette phrase, inscrite dans le film sur le portail vers une autre dimension, concentre l’essence même du récit qui se déroule sous nos yeux. Devant Le Garçon et le Héron, nous avons l’impression d’assister à un rêve éveillé, un rêve qui n’est pas le nôtre. Hayao Miyazaki laisse libre cours à son imagination et nous entraîne dans un univers dont les possibilités d’évolutions sont infinies et aussi fascinantes qu'inquiétantes. À travers l’aventure de Mahito, ce sont de multiples questionnements autour de l’avenir de la création et plus largement de notre monde qui se dessinent. Des questionnements inévitables qui peuvent torturer jusqu’à la folie.  

Un regard sur le chemin parcouru, un héritage pour l’avenir

Sombre parfois et d’une densité vertigineuse, Le Garçon et le Héron n’est pourtant pas dénué de lumière. D’abord, parce qu’on y retrouve le ton inimitable de Hayao Miyazaki, capable de nous faire passer de l’inquiétude au rire en quelques secondes, notamment à travers la fabuleuse évolution du personnage du héron. Le cinéaste nous présente aussi une flopée de nouveaux personnages hauts en couleur : une bande de grand-mères espiègles, des perruches sanguinaires ou encore de mignonnes bulles blanches volantes appelées “warawara”. Dans Le Garçon et le Héron, nous retrouvons également cette poésie douce et mélancolique qui teinte les œuvres de Miyazaki et nous enveloppe agréablement à chaque visionnage. 

Enfin, la trajectoire de Mahito est guidée par l’espoir. L’espoir illusoire de revoir sa mère d’abord, puis l’espoir d’un renouveau, animé par la compréhension de quelque chose de plus grand que lui. Durant son odyssée, le jeune garçon va faire la connaissance d’un grand-oncle, figure de sagesse et de vulnérabilité, à la recherche d’un héritier. Véritable clé du récit, ce personnage concentre les inquiétudes du cinéaste pour l’avenir, mais les apaise aussi, en guidant le jeune héros vers le point de départ d’une vie plus consciente.  
 

S’il a maintes fois annoncé sa retraite, Hayao Miyazaki a encore bien des histoires à nous conter, puisqu’il prépare déjà un prochain long-métrage, pour notre plus grand bonheu. Mais pour l’heure, c’est une réflexion intime qu’il nous confie, à travers le splendide univers de Le Garçon et le Héron. Il ne tient qu’à nous, spectateurs, d’y pénétrer l’esprit ouvert et de nous laisser guider.

Marie Serale | @marie_serale