Il était une fois, une âme solitaire

Dès qu’on l’aperçoit, pressée, à l’angle d’une rue bondée, Lydia nous trouble. Dans son regard, on perçoit la fatigue liée à son métier de sage-femme, mais aussi la souffrance. Pourtant, en apparence, Lydia est douce et résolument calme. L’actrice Hafsia Herzi brille dans ce rôle complexe, en incarnant la jeune femme avec une sobriété déconcertante. En voix-off, Alexis Manenti, nous conte l’histoire de cette héroïne profondément humaine. À la suite d’une rupture soudaine avec son partenaire, Lydia apprend que Salomé (la touchante Nina Meurisse), sa meilleure amie, est enceinte. 

Plus tard, la voix d’Alexis Manenti nous dévoile que Lydia est si proche de son amie qu’elle se sent reliée à elle par un tuyau invisible, partageant une seule dose de bonheur entre elles deux. Quand l’une est heureuse, l’autre souffre. Alors que Salomé accueille avec joie sa grossesse et entame une nouvelle étape de vie à trois, Lydia s’enlise chaque jour davantage dans la solitude et dans le mensonge. Pour échapper à sa réalité, elle se berce d’illusions, s’endormant au cinéma ou dans le bus pour ne pas rentrer chez elle, taisant sa souffrance pour ne pas la rendre tangible. Lorsqu’elle rencontre Milos (Alexis Manenti), le chauffeur du bus, elle entrevoit le début d’une histoire d’amour, mais ce sentiment n’est pas partagé.  
L’impardonnable comme une évidence

L’impardonnable comme une évidence

En dévoilant le dénouement du récit au début du film, Iris Kaltenbäck détourne la tension de l’intrigue pour la focaliser sur le personnage de Lydia. Si la cinéaste affirme s’être inspirée d’un fait divers pour écrire Le Ravissement, le film n’est ni une enquête, ni un thriller. Qui est Lydia, quels sont ses désirs et surtout comment sa vie bascule-t-elle dans l’illusion ? Lorsque Milos va voir Lydia avec le bébé de sa meilleure amie dans les bras, la jeune femme ne va pas clarifier la confusion, mais plutôt embrasser le mensonge qui la condamne autant qu’il lui donne un aperçu de la vie dont elle rêve. 

Le film met en scène des personnages habités par la solitude, le désir de maternité, le manque et la naissance d’un amour. Il donne à voir des scènes d’accouchement très fortes, qui relèvent du documentaire et nous transportent dans le quotidien de Lydia, dans sa psyché. Sans juger, Le Ravissement nous interroge sur l’idée de parentalité et sur le lien. Que ce soit à travers la rencontre de Lydia, mais aussi de Milos avec le bébé de Salomé, à travers l’amitié entre les deux femmes et le parcours de Salomé vers la maternité, Le Ravissement dessine les forces et les failles de ses personnages magnifiquement imparfaits et humains. 

Après son court-métrage Le vol des cigognes (2015) qui questionnait déjà la trajectoire d’une femme animée par le désir de maternité, Iris Kaltenbäck signe un premier long-métrage d’une grande finesse, porté par la sensibilité de l’excellente Hafsia Herzi. 

Marie Serale | @marie_serale