Les lieux de tournage mythiques de Louis de Funès
Que la personne qui n’est jamais tombé sur une scène de Louis de Funès me jette la première pierre. Monstre sacré de la pellicule française, de Funès a posé une patte sur le comique tricolore. Des grimaces et un jeu inimitable.
Louis de Funès est un phare du cinéma français. L’occasion de faire 5 escales très ponctuelles pour revivre 5 scènes d’anthologie, dans 5 lieux tout aussi surprenants.
La scène de l’accident dans Le Corniaud (1965)
Place du Panthéon, Paris, (France)
Certainement la scène la plus célèbre du duo Bourvil - de Funès. Le premier s’en va en vacances en Italie en 2CV et croise sur la route la très imposante carlingue de la Bentley du second. S’en suit un accident mythique qui découpe en mille morceaux la petite française, le tout en plein coeur du 5e arrondissement de la capitale.
Mais si cette scène ouvre le film, c’est en réalité la dernière a avoir été tournée, plus précisément le 7 décembre 1964 (alors que Bourvil est censé partir pour les vacances d’été). D’ailleurs si vous avez l’oeil attentif, vous pourrez voir quelques badauds chaudement vêtus en arrière-plan.
Mais l’autre secret derrière cette scène, c’est la cascade en elle-même. A l’époque, il n’existe pas encore les effets spéciaux actuels et pour dézinguer la 2CV, il a fallu rivaliser d’ingéniosité. Pierre Durin, spécialiste de l’époque, avait prédécoupé la voiture en 250 morceaux, juste reliés par des crochets. Il a suffi d’appuyer sur un bouton pour que les 250 crochets lâchent en même temps… Evidemment, une seule prise était possible. La suite vous la connaissez. “Maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien forcément !"
La scène du chef d’orchestre dans La Grande Vadrouille (1966)
L’Opéra de Paris, Paris, (France)
“C’est de la bouillie. C’était pas mauvais, c’était très mauvais. Reprenons !”. Voici les premières répliques de de Funès dans La Grande Vadrouille. Celles d’un chef d’orchestre renommé et autoritaire. Un nouveau rôle pour lui, mais aussi une grande première pour le cinéma français.
En effet, tourner dans l’Opéra de Paris n’avait jamais été fait auparavant. Gérard Oury, le réalisateur, a donc le privilège de poser ses caméras au sein du Palais Garnier et d’offrir ça au public. Une faveur glanée auprès des plus hautes sphères de l’état et du Ministre de la Culture de l’époque, un certain André Malraux, esthète lui aussi. À une condition ? Que le tournage se déroule en juillet pendant la fermeture de l’Opéra avec la promesse de ne rien détériorer. Et pour s’assurer de la réussite d’une telle entreprise, c’est le directeur de l’Opéra Garnier, Georges Auric, qui a composé la musique… de La Grande Vadrouille, qui a donné le feu vert. La boucle est bouclée. Voilà comment on parvient à ses fins : des contacts et un peu de malice.
Situation exceptionnelle valait bien préparation exceptionnelle. Ancien pianiste, Louis de Funès s’est entraîné pendant 3 mois face à un miroir pour diriger et orchestrer La Damnation de Faust, la musique composée par Berlioz. “Pour un ex-pianiste de bar, prendre la tête d'un ensemble musical aussi prestigieux relève d'un pari insensé", expliquait-il. Un pari réussi puisque que près d’un demi-siècle plus tard, on écrit encore dessus.
La scène de danse dans Rabbi Jacob (1973)
Rue des Rosiers, Paris, (FRANCE) ou Saint-Denis (93), (FRANCE) ?
“Silence, Rabbi Jacob il va danser !”. Si la carrière de Louis de Funès ne devait se résumer qu’à une scène, ce serait celle-ci. La plus célèbre danse du cinéma français qui voit un rabbin gesticuler en plein Paris… est un fait un gros mensonge. Oui, si la scène est censée se dérouler Rue des Rosiers, en plein quartier juif de la capitale… le tournage a eu lieu en banlieue parisienne, dans un quartier en cours de démolition dans le 93 à Saint-Denis. Les plus malins pourront même voir un petit bout de la basilique.
Pourquoi un tel déménagement ? La Rue des Rosiers est une toute petite rue, très étroite… et surtout très empruntée par les badauds. Impossible pour le réalisateur Gérard Oury de bloquer la circulation pour une telle scène. Il a donc fallu tout reconstruire un peu plus au Nord, grâce aux talents du décorateur Théo Meurisse pour duper le public.
Et comme à chaque fois, de Funès a justifié sa réputation de très gros travailleur. C’est Vladimir Cosma, le compositeur de la musique des Aventures de Rabbi Jacob, qui en parle encore le mieux : “J’ai répété avec lui plusieurs semaines, chez moi, au piano. Je voyais un monsieur très sérieux, refaisant les pas de danse avec application, sans fantaisie. Je me demandais comment il pourrait faire rire. Le jour où je l’ai vu tourner la scène, je n’en revenais pas. Techniquement maître de ses pas, il se déchaînait et apportait, à chaque prise, de nouveaux gags avec une incroyable spontanéité et fluidité. Il m’a bluffé !"
Et Bernard Stora, assistant réalisateur, de confirmer : “On a filmé, après le déjeuner, avec deux caméras. La première prise a été la bonne. Tout le monde était sidéré”. Voilà le secret derrière une scène mythique.
“Il est l’or” de La Folie des Grandeurs (1971)
Le palais de l’Alhambra, Grenade (Espagne)
“Il est l’or, mon seignor, il est l’or de se réveillor”. Quand Yves Montand se permet de réveiller Louis de Funès dans La Folie des Grandeurs, il le fait dans un lieu évidemment de prestige : le palais de l’Alhambra. Situé dans le sud de l’Espagne en Andalousie, ce site est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, et reste aujourd’hui l’une des plus grandes oeuvres architecturales de l’art musulman en terre ibérique.
Il ne fallait pas moins prestigieux pour faire vivre sur écran les aventures de Don Salluste (Louis de Funès), ministre des Finances du Roi d’Espagne du XVIIe siècle. Un lieu de tournage fantastique… qui a failli pourtant ne jamais croiser la route du duo de Funès - Montand…
Au départ le rôle du valet Blaze, interprété par Yves Montand, était promis à… Bourvil, l'acolyte de toujours de de Funès. Or, ce dernier décède quelques semaines avant le tournage. Le remplaçant est vite trouvé, sauf que ce dernier refuse catégoriquement de se rendre en Espagne. Pourquoi ? Par protestation d’un régime autoritaire dirigé par Franco à l’époque.
C’est le réalisateur Gérard Oury qui raconte encore le mieux l’issue de ce drame dans son ouvrage Mémoires d’éléphant : "Le 10 septembre 1970, la porte de mon bureau s'ouvre avec fracas (...) Montand fait irruption dans la pièce. 'Fils, me dit-il (...) si Franco fait garrotter les Basques à Burgos, je ne tourne pas ton film, je veux dire que je ne vais pas Espagne’”. Heureusement, quelques semaines plus tard, les neufs militants ETA condamnés à mort sont graciés par Franco. Voilà comme La Folie des Grandeurs a pu voir le jour...
Prendre le soleil (mais habillé) à St-Tropez (1964)
2 Place Blanqui, 83990 Saint-Tropez (FRANCE)
Et si vous preniez le soleil dans le sud de la France pour revivre les aventures et mésaventures de la Gendarmerie de Saint-Tropez. Pour cela, il vous suffit de vous rendre au 2 de la place Blanqui de la cité tropézienne. Lieu culte de tournage de la série Des Gendarmes aujourd’hui transformé… en musée. Pour 4 euros, vous pouvez visiter la bâtisse qui a accueilli les forces de l’ordre entre 1879 et 2003. En tout, chaque année près de 6 millions de visiteurs passent dans le village de moins de 10 000 habitants et pour certains la photo devant la Gendarmerie est obligatoire.
Si aujourd’hui, la gendarmerie n’est plus qu’un lieu de distraction et d’histoire, il faut savoir que les aventures menées par la Brigade du maréchal des logis-chef, Ludovic Cruchot, a marqué les esprits durant des années. Dans les années 80 et jusqu’à la fermeture en 2003, la Gendarmerie essuyait des blagues potaches des touristes fans qui criaient régulièrement "Cru-chot, Cru-chot !" sous les fenêtres. Ce à quoi les forces de l’ordre répondaient… avec des bombes à eau. Bon enfant malgré tout.
Enfin dernière petite anecdote croustillante. Les Gendarmes de de Funès faisaient la guerre contre les nudistes, un running gag tout au long de la série. Et bien sachez que tout cela est tiré d’une histoire vraie : En août 1964, quelques jours avant la sortie du film, la presse locale titrait : "Offensive antinudiste sur la côte varoise”. Les gendarmes souhaitaient mettre un terme à un flux de nudistes trop important. Comme quoi, il ne faut pas chercher bien loin les meilleures histoires.