Panic Room : l'art du thriller selon David Fincher et son héritage cinématographique

<p>© Columbia Pictures</p>

Date de publication : 03.06.22

Sorti il y a 20 ans, Panic Room a souvent été jugé comme une œuvre mineure de la carrière de David Fincher, y compris de son propre aveu. Vu comme un simple exercice de style lorgnant dans la coquetterie facile, le film a pourtant marqué son époque à plus d'un égard. Il a surtout parfaitement sa place dans la filmographie d'un réalisateur en pleine expérimentation.

Le film raconte l'histoire d'une mère et sa fille diabétique qui emménagent dans un appartement luxueux de Manhattan. Elles n'auront même pas le temps de déballer tous leurs cartons que trois cambrioleurs entrent par effraction le premier jour de leur emménagement. Elles se réfugient alors dans la Panic Room, une pièce ultra sécurisée, alors que les trois cambrioleurs tentent par tous les moyens d'y accéder. Pourquoi ? Car leur butin se trouverait justement dans ladite Panic Room.

 

Une autre époque du thriller

Le film arrive en 2002, alors que Fight Club commence tout juste à trouver son véritable public à sa sortie vidéo. Film de commande s'il en est, Panic Room s'inscrit dans la grande tradition des histoires de home invasion et jusqu'à maintenant l'un des plus populaires. Le film a récolté près de 200 millions de dollars dans le monde entier avec un budget de 45 millions de dollars, ce qui l'inscrit dans ce genre désormais désuet du "thriller blockbuster" comme le rappelle le podcast du site The Playlist.

Thriller

Et comme le fait remarquer le journaliste Charles Barfield, si Panic Room était sorti en 2022, cela aurait été sur Netflix et le film serait tombé dans l'oubli au bout de quelques semaines. Il s'agit certes d'une vision un brin pessimiste du contexte actuel de l'industrie, mais qui rappelle à quel point le thriller avait encore à l'époque un impact certain au box-office. Si le genre plus précis du home invasion a connu récemment certains rebonds avec Don't Breathe ou The Purge, il n'a plus l'aura qu'il avait avant il y a 20 ans, avant la déferlante actuelle des films de super héros.

Un puzzle visuel et viscéral

S’il y a bien un mot qui peut définir l'éthique de travail de David Fincher, c'est bien le contrôle. Son obsession du contrôle est désormais sa marque de fabrique et elle se cristallise encore plus ici, dans un film avec une seule unité de temps et d'espace. En se basant sur le script solide, mais minimaliste de David Koepp, Fincher peut ainsi mettre en scène ce huis clos comme bon lui semble. Une de ses premières décisions : construire une maison de toute pièce en studio pour la modique somme de 6 millions de dollars.

Qui dit contrôle dit maitrise, ici de l'espace. Il faut ainsi familiariser le spectateur avec les moindres recoins de ce terrain de jeu, un appartement luxueux, mais principalement vide. Et pour ce faire, Fincher a fait une grande partie du travail en phase de préproduction. Pour la seconde fois après Fight Club, il réalise avec son équipe des prévisualisations 3D de quasiment tous les plans du film : les cadres, les mouvements de caméra et la place des acteurs dans chaque scène seront ainsi minutieusement décidés bien avant le tournage.

Controle

Cette planification à l'extrême, qu'on retrouve plus généralement dans le cinéma d'action, a un revers de la médaille : elle ne laisse dans certains cas que peu de place à la collaboration créative. Pour preuve, le directeur de la photographie français Darius Khondji (qui a travaillé avec le réalisateur sur Se7en) devait ainsi travailler sur le film, mais a quitté le tournage dés le premier jour. David Fincher assume pleinement la responsabilité de cette mésentente : "Il voulait faire partie du processus de prise de décision. Ce film ne l'autorisait pas et c'était terriblement frustrant pour lui".

Une influence sur le genre

20 ans après, si le film n'a pas l'aura d'un Zodiac ou d'un Seven, il reste une entrée franchement solide dans la filmographie de David Fincher, par sa qualité de laboratoire d'expérimentations visuelles certes, mais aussi par la manière dont il s'inscrit dans la grande histoire du thriller. Par la simplicité de son scénario, porté par un casting de première main (Jodie Foster, Forest Whittaker, Jared Leto, Kristen Stewart), le film suit la filiation des classiques du genre de Hitchcock, mais aussi des films d'action en huis clos comme Die Hard.

Grande inspiration de Fede Alvarez sur Don't Breathe, ce dernier déclarera pendant la promo du film : "J'ai vu Panic Room en école de cinéma et il m'a vraiment montré tout ce qu'on pouvait faire avec une caméra pour raconter une histoire, comment placer l'audience à l'intérieur de la maison". Pas mal pour un film que Fincher lui-même considère encore aujourd'hui comme une série B de luxe.

 

Hugo Cléry | @HugoClery