Quand Vidocq inspire les plus grands romanciers

Les écrivains en ont rêvé ; Eugène-François Vidocq l’a fait ! Tour à tour forçat, évadé, indicateur, chef de la brigade de sûreté de la préfecture de police de Paris, industriel, fondateur de la première agence de détective privé,... Ce fils de boulanger né en juillet 1775 à Arras et mort en mai 1857 à Paris, a eu une vie digne d’un roman d’aventures. Pas étonnant que les plus grands romanciers de la littérature classique s’en soient inspirés pour donner de l’étoffe à leur héros. C’est notamment le cas de Victor Hugo avec Jean Valjean et l’inspecteur Javert dans les Misérables.

Jean Valjean et l’Inspecteur Javert - Victor Hugo

Le Jean Valjean des Misérables figure parmi les héros les plus charismatiques de la littérature. Envoyé au bagne pour avoir volé un morceau de pain, cet émondeur sans le sou s’est évadé deux fois. Contraint de changer d’identité pour échapper au terrible inspecteur Javert, il devient industriel puis maire. Son ascension fulgurante n’est évidemment pas sans rappeler celle d’un personnage, lui, bien réel : Vidocq !
La comparaison avec le bagnard repenti ne s’arrête pas là ; comme lui, Valjean est doté d’une force herculéenne. Dans le chapitre qui met en scène l’accident de Fauchelevent (un vieux charretier à deux doigts de mourir écrasé sous le poids de sa voiture), Valjean orchestre son sauvetage… Tout comme Vidocq avait lui-même participé au sauvetage de l’un de ses ouvriers en janvier 1828, dans des conditions très similaires. La réalité dépasse parfois la fiction. Ici elle la rejoint.

L’inspecteur Javert - ennemi juré de Valjean - emprunte également quelques traits de caractère à Eugène-François. Tenace et efficace, il symbolise “l’autre Vidocq”, celui devenu chef de sûreté de la préfecture de police de Paris.
 

Vautrin - Honoré de Balzac

Est-ce le dîner où il rencontra Vidocq qui inspira Vautrin à Balzac ? C’est plus que probable. Le héros de la Comédie humaine partage, comme l’Arrageois, une forte constitution et une corpulence massive. Mais plus encore, c’est un forçat repenti qui, avec le temps, finit par occuper une haute situation dans la police parisienne. Toute ressemblance avec des personnes déjà existantes ou ayant déjà existé n’a ici rien d’une pure coïncidence...

Le Chevalier Auguste Dupin - Edgar Allan Poe

Dans Double assassinat dans la rue Morgue, Edgar Allan Poe met en scène le premier détective privé de la littérature française. Noble désargenté cohabitant avec un ami américain dans une maisonnette délabrée, le chevalier Auguste Dupin est un homme à l’intelligence aiguisée et pourvu d’une forte intuition qui met ses compétences... au service de la police. Coïncidence ? Sûrement pas. Cette nouvelle a été publiée en 1841, soit 13 ans après la publication des mémoires du plus grand flic de France. Fortement impressionné par la vie trépidante du bagnard repenti, le nouvelliste américain a choisi de revisiter la dernière partie de sa vie. Franc succès, l’histoire de la rue Morgue (traduite de l’anglais par Charles Baudelaire en personne !) a été adaptée à plusieurs reprises au cinéma et en bande-dessinée.

Chéri-Bibi - Gaston Leroux

Publié d’abord au cours de l’année 1913 dans le quotidien Le Matin, Chéri-bibi est un roman feuilletonnant qui narre l’histoire d’un ancien bagnard (chéri-Bibi) au destin impitoyable. Il semble bien que le côté “forçat repenti” du super flic ait largement inspiré Gaston Leroux. A l’instar de l’épopée du Chevalier Dupin, celle de Chéri-Bibi sera adaptée en bande-dessinée, au cinéma, puis en feuilleton télévisé de 46 épisodes.

Rodolphe de Gerolstein - Eugène Sue

Tout comme Chéri-Bibi, les mystères de Paris d’Eugène Sue ont été publiés par feuilleton dans un journal (le journal des débats). Inaugurant la littérature de masse, ce roman met en scène Rodolphe de Gerolstein, prince rôdant incognito dans les rues de Paris pour défendre la veuve et l’orphelin. Il est secondé dans sa tâche par le Chourineur, un ouvrier violent à qui Rodolphe ouvre les yeux sur la justice et la bonté. En d’autres termes, il lui fait la morale ! C’est précisément là qu’Eugène Sue s’est inspiré de Vidocq. Une fois repenti, l’ex bagnard cherchait à moraliser les criminels qu’il transformait en indicateurs.

La liste des romanciers qui ont retranscrit certains traits de caractères ou épisodes de la vie d’Eugène-François Vidocq ne s’arrête pas là. Emile Gaboriau (M. Lecoq dans l’Affaire rouge), Alexandre Dumas, Père (le policier Jackal dans Les Mohicans de Paris) ou encore Conan Doyle (Sherlock Holmes) ont vraisemblablement également louché du côté du forçat repenti pour donner une certaine carrure à leur héros.

*L’Empereur de Paris, réalisé par Jean-François Richer
Avec Vincent Cassel, Freya Mavor, Denis Ménochet
Sortie le 19 décembre 2018.
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