Ridley Scott, dans l’arène d’Hollywood
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À 86 ans, le prolifique réalisateur revient cette semaine sur nos écrans avec la suite de son péplum culte Gladiator, l’occasion pour nous de s’attarder sur sa carrière riche et éclectique. Drame, films historiques, romance, polar, horreur, aucun genre ne résiste à ce réalisateur au parcours chaotique qui a su devenir culte avec les années.
Lutter pour devenir culte
Ridley Scott a reçu une formation artistique complète, ayant étudié au Royal College of Art de Londres en vue de devenir photographe de mode. Influencé par les peintres britanniques Francis Bacon et David Hockney, il est très attiré par l’art pictural et décroche un diplôme de graphiste à la fin de ses études. Finalement, c’est dans la publicité qu’il connaitra d’abord le succès, tournant de nombreux spots pour la télévision.
Sa carrière au cinéma débute tardivement à près de 40 ans. Dès le début, il ne laisse personne indifférent. Son premier film Les duellistes connait une réception critique excellente et reçoit le prix du meilleur premier film à Cannes en 1977. Cependant, Les duellistes, ne rencontre pas son public aux États-Unis, ce qui ne manque pas de frustrer Scott. C’est avec son second long métrage qu’il entrera une première fois dans la légende. Profitant de la popularité de la science-fiction après l’explosion au box-office de Star Wars en 1977, Ridley Scott réalise Alien sur un scénario original de Dan O’Bannon. La vision de la science-fiction d’Alien est diamétralement opposée à celle proposée dans l’œuvre de George Lucas. Si Star Wars se voulait une aventure spatiale familiale et fantastique, Alien a lui une ambiance sombre, froide, réaliste et horrifique. L’idée initiale est de concevoir une expérience proche des Dents de la mer, autre énorme succès de l’époque, mais dans l’espace. La technologie présentée ici est envisagée comme une évolution naturelle de celle de la fin des années 1970. Les ordinateurs archaïques pour nos générations digitales côtoient les robots humanoïdes dissimulés parmi les autres occupants du vaisseau Nostromo. Fait rare pour être signalé, nous ne suivons pas la destinée de héros ou de militaires surentrainés, mais bien celle de simples ouvriers d’un vaisseau cargo transportant des marchandises pour le compte d’une super multinationale. Les enjeux des personnages centraux sont triviaux : réussir leur mission, et rentrer à la maison. Mais la réception d’un message de détresse vient bouleverser le quotidien banal, de ces gens.
La suite va imprégner l’imaginaire de générations entières de cinéphiles. Un alien va jaillir de l’estomac d’un des occupants du cargo, et la créature va tuer méthodiquement l’intégralité de l’équipage, à l’exception d’une femme, Ripley, qui parviendra par la ruse, à se défaire du monstre. Ridley Scott va calibrer sa réalisation à ce concept simple et proposer une vision épurée, froide de l’intérieur du vaisseau. Il va également s’appuyer sur la direction artistique développée par l’artiste suisse HR Giger qui s’accrochera au projet par l’intermédiaire du scénariste Dan O’Bannon, tous deux ayant œuvré sur l’adaptation avortée de Dune par Alejandro Jodorovsky. Giger va concevoir une monstruosité hybride entre la machine, et l’humain, avec une forme féminine, presque érotique, parachevant le côté dérangeant de l’ensemble. La créature noire détonne dans les salles du Nostromo, nimbées de blanc, illuminées par des halogènes aux lumières éthérées. Cette fois, c’est un succès indiscutable pour Ridley Scott au box-office mondial. Le film rapportera plus de 100 millions de dollars à travers le monde et propulsera son réalisateur sur le devant de la scène, lui ouvrant les portes d’Hollywood.
La suite de sa carrière ne sera pourtant pas aussi florissante qu’on aurait pu l’attendre. Ridley Scott s’attaque ensuite à l’adaptation d’un livre emblématique de la science-fiction américaine Do Androids dream about electric sheep, de Philip K. Dick. Une fois encore, Scott va s’appuyer sur une direction artistique impeccable, mêlant une esthétique japonaise et un urbanisme futuriste typiquement américain, qui va créer un genre par la suite, le cyberpunk. Blade Runner, voit donc le jour, seulement cette fois rien ne va se passer comme prévu. Le tournage est très compliqué, et les relations entre le réalisateur et le studio sont tendues. Les retours des projections tests sont mauvais, la production reprend la main sur le long métrage, modifie la fin et rajoute une voix off. À sa sortie, le film est tout juste bénéficiaire. L’expérience hollywoodienne se révèle douloureuse pour Ridley Scott. Pourtant, au fil du temps, Blade Runner devient culte à travers le monde. Sa sortie en VHS est un énorme succès. Ce triomphe à rebours amène la production à changer son fusil d’épaule et à proposer à Scott de faire un montage plus conforme à sa vision. De nombreuses versions verront ainsi le jour, chacune ayant ses défenseurs.
Le prochain projet hollywoodien de Ridley Scott, Legend, connaitra un sort bien plus compliqué, à cause d’un développement chaotique. Le studio Pinewood qui abritait le tournage sera même en partie détruit par un incendie le 27 juin 1984. Le film ne rencontre ni succès critique ni public malgré un investissement massif et la présence au casting de Tom Cruise. Échaudé par ses aventures tumultueuses dans les eaux troubles du cinéma à grand spectacle, Scott se tourne donc vers des productions plus modestes. Il enchaine des films aux tonalités très différentes dans les années suivantes : des polars (Traqué et Black Rain) ; un long métrage historique sur Christophe Colomb (1492) ; des drames (Thelma et Louise, À armes égales). Ridley Scott sait tout faire, c’est bien là sa principale marque de fabrique. En 1995, il fonde avec son frère Tony Scott, réalisateur spécialiste des blockbusters hollywoodiens, son entreprise de production, Scott Free, symbole de son affranchissement et de sa détermination à faire des films à sa manière. Cette volonté puissante va conditionner la suite de sa carrière et s’en ressentir tout au long des années 2000.
La famille comme sujet d’étude
Après cette longue période plus modeste, Ridley Scott revient aux films à grand spectacle avec Gladiator. À cette occasion, le metteur en scène dépoussière le genre presque disparu du péplum. Il met également au point une recette dont il va user dans toutes ses futures productions. Ridley Scott présente aux spectateurs une fresque avec un fond historique, afin de proposer des séquences épiques. Pour autant, le réalisateur ne souhaite pas la véracité historique. Ainsi peut-on voir l’empereur Commode combattre et mourir au centre du Colisée, évènement complètement inventé pour le long métrage. Ridley Scott y développe aussi des thématiques qui vont le hanter dans toute sa filmographie, à savoir la famille et l’héritage. Au cœur de tous ses blockbusters, aux scènes d’actions époustouflantes se cachent des intrigues autour de relations complexes au sein de la cellule familiale. L’empereur Marc-Aurèle obnubilé par son héritage et l’empreinte qu’il va laisser dans l’histoire de Rome bafoue son fils Commode, lui préférant comme successeur son protégé, le général Maximus. Cet acte est vu comme une trahison par Commode qui le tue, prend le pouvoir et en réaction décide de contrevenir à tous les idéaux de son père en se comportant en despote tout puissant. Le fils spirituel de Marc-Aurèle, Maximus, vengera sa propre famille, assassinée par Commode, en l’affrontant dans un duel à mort, restaurant l’espoir d’un futur conforme aux aspirations de cette figure paternelle. Le film est un immense succès public. Il signe aussi la première collaboration de Scott avec Russell Crowe, collaboration plus que fructueuse puisqu’elle apporte au comédien australien un oscar du meilleur acteur pour son rôle de Maximus. Ridley Scott crée désormais l’évènement à chaque sortie de films. Il va employer la même recette pour les suivants. La chute du faucon noir, basé sur un livre relatant les évènements des 3 et 4 octobre 1993 à Mogadiscio ; Kingdom of Heaven, sur la 3e croisade ; American Gangster sur le parrain new-yorkais Franck Lucas. À chaque fois le réalisateur propose un fond historique romancé, au service de scènes spectaculaires, et se focalisant sur des personnages dont les liens familiaux nourrissent les intrigues.
Au début des années 2010, un incident tragique vient bouleverser la vie et la carrière de Ridley Scott. Le 19 août 2012, son petit frère et associé, Tony Scott, met fin à ses jours après un long combat contre le cancer. Ce drame va servir de moteur au réalisateur, qui se lancera éperdument dans le travail. L’objectif de Scott est clair, vivre sa passion au maximum, et faire le plus de longs métrages possibles. Il enchainera donc les projets ambitieux et complexes, avec au moins un film par an, parfois deux.
Il revient aux manettes de la franchise Alien en 2012 avec Prometheus, en y injectant toujours ses thématiques autour de l’héritage et la famille. Il retourne même aux origines de l’humanité en mettant en scène nos créateurs, les ingénieurs, qui auraient également mis au point un moyen de nous détruire, déçus par notre évolution.
Scott va aussi se saisir de projets faisant échos à des réalisateurs qu’il admire. Il répète ainsi la narration fragmentée de Rashomon du grand metteur en scène japonais Akira Kurosawa, pour développer son film Le dernier duel. Le viol au centre de l’intrigue est raconté de trois points de vue différents : celui du mari, du violeur, et enfin de l’épouse victime. Dans ce film cette fois il questionne le rôle de la femme au sein de la cellule familiale, et la masculinité toxique.
Il reprend également un projet longtemps laissé à l’abandon, une fresque historique sur Napoléon, porté par Stanley Kubrick avant sa mort. Ici, au-delà des séquences de batailles palpitantes, c’est le couple vénéneux et puissant formé par Napoléon et Joséphine qui intéresse le cinéaste.
Enfin, Scott revient cette semaine sur nos écrans avec la suite du péplum qui a ouvert une nouvelle ère dans sa carrière, Gladiator. Cette suite directe du premier film retrouve les mêmes thématiques, seulement cette fois, le gladiateur, pour devenir un véritable héros, doit accepter son nom, son héritage, et recouvrer la place qu’il mérite en raison de sa noble ascendance.
Difficile, voire impossible de résumer la carrière de Ridley Scott. L’homme de 86 ans a traversé les années avec l’envie toujours renouvelée, de proposer au public un spectacle cinématographique, digne d’être projeté sur grand écran. Il a su se frayer un chemin dans la jungle hollywoodienne afin d’atteindre le statut de réalisateur culte. Touche à tout, Scott a insufflé à ses films à grand spectacle ses obsessions intimes, cherchant à sonder et à étudier l’âme de ses personnages. Aujourd’hui, quand des journalistes lui demandent s’il compte prendre sa retraite, il répond toujours « Pourquoi ? ». Cet homme passionné à l’extrême a bien l’intention de continuer à proposer au public un divertissement de qualité, en conservant une exigence qui l’a toujours guidé.
Raphaël BLEINES-FERRARI
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