Todd Phillips, l’humour et le chaos
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Près de cinq années après le succès retentissant de son film Joker, Todd Phillips revient sur nos écrans le 2 octobre avec le très attendu, Joker folie à deux. Après avoir sondé l’esprit et l’âme de l’ennemi le plus emblématique de Batman, il s’attarde désormais sur la relation du Joker avec Harley Quinn, autre figure importante dans le monde super héroïque du chevalier noir. Mais ce n’est pas une simple suite que nous offre le réalisateur américain, il va cette fois pousser plus loin le délire fantasmagorique d’Arthur Fleck/Joker, en proposant aux spectateurs une comédie musicale tout droit sortie de l’imagination torturée de son personnage principal. Cette proposition singulière est l’occasion pour nous de revenir sur la filmographie et le style non moins singuliers de Todd Phillips, lui qui au cours de sa carrière n’a eu de cesse de surprendre son public.
Le buddy movie comme point de départ
Né à New York à la fin de l’année 1970, Todd Phillips étudie le cinéma à l’université, mais n’y décroche aucun diplôme préférant lancer sa carrière rapidement et en indépendant à 23 ans. Alors qu’il est encore étudiant, il signe sa première réalisation, un film documentaire centré sur le rockeur punk GG Alin, Hated : GG Alin & the murder junkies. GG Alin est une personnalité controversée, connue des initiés pour ses frasques sur et en dehors de la scène. Le documentaire n’hésite d’ailleurs pas à montrer des séquences où le chanteur se livre à des actes extrêmes (violence, nudité, coprophagie). Durant la production du film, Alin décède d’une overdose d’héroïne. Dès le départ, c’est l’étude de cette figure marginale et fascinante qui a poussé Todd Phillips à la mise en chantier de son film.
Ce type de fascination guidera le réalisateur tout au long de sa carrière. Comme il le dit lui-même dans ses interviews, c’est l’envie de travailler avec certaines personnalités qui le motive toujours dans son processus créatif. Phillips poursuivra son activité dans le documentaire indépendant avec deux nouvelles réalisations, dont l’une, Frat House, le fera connaitre des décideurs d’Hollywood, puisqu’il gagnera le grand prix du jury au Festival du film indépendant de Sundance. Nous sommes alors à la fin des années 90, et à la même époque, une petite comédie adolescente, American Pie, explose au box-office mondial, établissant de fait, un genre à part entière. Todd Phillips est alors contacté pour écrire et réaliser un film dans la même veine, film qui signera son grand début dans la fiction et surtout dans la comédie, Road Trip. Pour concevoir le scénario, Phillips est secondé par Scot Armstrong, ancien publicitaire rencontré quelques mois plus tôt lorsque ce dernier l’engagea pour réaliser une publicité pour la bière Miller. Ce duo composera ensemble des comédies durant des années, en gardant toujours un certain esprit potache et irrévérencieux. Road Trip connait un bon succès au box-office. Phillips se lance alors dans le développement d’une autre comédie, Retour à la fac, portée cette fois par un casting d’humoristes cinq étoiles : Luke Wilson, Will Ferrell, et Vince Vaughn.
Grâce aux résultats satisfaisants de cette seconde réalisation, il est propulsé à la tête d’un blockbuster très attendu, l’adaptation de la célèbre série Strasky et Hutch, avec dans les rôles-titres, Ben Stiller et Owen Wilson. Phillips souhaite que son film ait le cachet d’une production des années 70. Il le conçoit aussi comme le tout premier épisode d’une nouvelle série, afin que les spectateurs n’ayant pas connu l’œuvre originale puissent s’y retrouver. Le succès est à nouveau au rendez-vous, Todd Phillips devient dès lors un réalisateur de comédies incontournable. Pourtant, le metteur en scène n’est pas au bout de ses surprises. En effet, il va se retrouver très vite à la tête d’un film qui deviendra un véritable phénomène de société, une des œuvres humoristiques emblématiques des années 2010, Very Bad Trip. Une fois encore, on décèle dans ce film le style de Todd Phillips, à savoir un scénario potache et irrévérencieux, un groupe d’acteurs comiques solides, et une réalisation soignée. C’est d’ailleurs sur le tournage du premier Very Bad Trip qu’il fera la connaissance du chef opérateur Lawrence Sher, avec qui il collaborera sur l’ensemble de ses productions suivantes. Le succès colossal de Very Bad Trip, ainsi que l’émulation jouissive entre le réalisateur et ses comédiens, enclencheront deux suites, toujours avec le même succès. De ces années dans la comédie, Todd Phillips façonnera une méthode de travail particulière, laissant une grande liberté à ses interprètes pour l’improvisation. En effet, bien qu’il soit l’auteur des scénarii de ses films, il envisage la mise en scène comme un morceau de Jazz, où chacun apporte sa touche personnelle, amenant l’œuvre à évoluer au gré du tournage. Malgré tout, après Very bad trip 3, Phillips semble avoir fait le tour du buddy movie et de la comédie potache, il souhaite se réorienter vers des réalisations plus sombres. Ainsi, comme un premier pas vers cette direction plus sérieuse, il signe en 2016 la comédie dramatique War Dogs, portée par le duo Jonah Hill et Miles Teller. Cette fois, le ton est plus cynique et sinistre qu’auparavant, Phillips y adapte l’histoire de deux trafiquants d’armes américains. Mais c’est avec son film suivant que sa seconde partie de carrière va véritablement basculer.
Le Joker, étude du chaos
Après le tournage de War Dogs, Todd Phillips souhaite réaliser une œuvre centrée sur une personnalité, une étude de caractère avec une tonalité inspirée des productions des années 70. Il approche alors la Warner et plus particulièrement les studios DC, afin de proposer un projet autour du Joker, l’ennemi principal de Batman. L’idée n’est pas d’ancrer le personnage dans une mythologie préexistante, mais de créer une figure et un univers strictement singulier à cette œuvre. Le concept finit par séduire les différents décideurs et Martin Scorsese est même attaché au projet en tant que producteur, avant de le quitter au milieu de l’année 2018. Pour écrire l’intrigue, Phillips s’entoure à cette occasion de Scott Silver, scénariste chevronné, spécialisé dans les drames urbains, comme 8 mile ou Fighter. Les deux hommes s’inspirent de différents films majeurs des années 70 pour concevoir l’univers du Joker tels que French connexion, King of comedy, Taxi Driver, ou encore Network.
Très vite, le comédien oscarisé Joaquin Phoenix est annoncé dans le rôle-titre. Ensemble, Philipps et Phoenix, vont créer Arthur Fleck, lui donner vie en improvisant énormément, ce qui va prolonger le tournage qui durera près de quatre mois. Todd Phillips demande à la compositrice Islandaise Hildur Guðnadóttir de réaliser la bande originale à partir du scénario afin de s’en servir sur le plateau. Le Joker est donc continuellement habité par cette musique et une rythmique qui lui est propre. Au sein du long métrage, on trouve également une réflexion sur l’humour, qui est représentée comme une malédiction pour le personnage. Le film est aussi, en dépit de son ancrage au début des années 80, particulièrement marqué par les différents mouvements sociaux qui ont émaillé les années 2010. On nous expose une société qui n’accepte plus les marginaux, un monde divisé où les puissants ne se soucient plus des petits. Le Joker devient, presque malgré lui, un agent du chaos, symbole d’une insurrection populaire folle et incontrôlable. Contrairement à ce que laissent présager son faible budget et sa dimension modeste, Joker connait un succès immense. Plus surprenant encore pour une œuvre tirée d’un univers de comics, la critique est elle aussi séduite par la proposition autour du personnage. Joker obtient même la consécration en remportant le Lion d’or au festival de Venise 2019, deux golden globes et deux oscars, pour Joaquin Phoenix et Hildur Guðnadóttir. À la fin du tournage, Joaquin Phoenix et Todd Phillips sont tristes de quitter cet univers et Arthur Fleck, la volonté de concevoir une suite est présente. Seulement les deux hommes ne veulent pas rempiler pour faire un projet facile, trop proche du premier. Ils souhaitent se mettre en danger et offrir autre chose aux spectateurs. C’est ainsi que très vite, vient l’idée de faire du second film une comédie musicale. Déjà dans la version de 2019, Arthur Fleck intériorisait la bande originale de sa vie, comme nous le révèle l’iconique séquence de danse dans les escaliers. Cette fois, Todd Phillips va encore plus loin et propose une plongée dans l’univers imaginaire d’Arthur. Les chansons interprétées et les chorégraphies proviennent la plupart du temps de son esprit fracturé. Toujours dans une idée de prolonger la mythologie du premier film, Joker Folie à deux, s’intéresse désormais à la figure d’Harley Quinn, personnage créé par la série animée Batman des années 90. Une personnalité trouble qui évoque généralement des thèmes forts, tels que l’amour toxique et la violence conjugale. La chanteuse et actrice Lady Gaga est choisie pour camper le rôle, ce qui rompt avec la version habituellement assurée par Margot Robbie dans les autres productions de l’univers DC. Comme avec le Joker, Todd Phillips va concevoir Harley Quinn en collaboration avec Lady Gaga durant le tournage afin d’en proposer une interprétation unique. Il renoue également avec sa passion pour le film de duo, où l’émulation entre les deux acteurs et leur personnage vont créer le thème central du long métrage.
Cinéaste iconoclaste passé par la comédie potache, auréolé d’un Lion d’Or à la Mostra de Venise, Todd Phillips dénote parmi les réalisateurs de la nouvelle génération. Son obsession pour l’humour et la façon dont on l’utilise aujourd’hui crée un chemin de réflexion intéressant lorsque l’on visionne ses films. Sa manière singulière de travailler et retravailler son œuvre durant chaque étape de sa création lui assure une vision tout à fait différente au sein des productions à gros budget d’Hollywood. Le cinéaste confiait récemment dans des interviews qu’il n’était pas exclu de le voir à nouveau à la tête d’une comédie. Todd Phillips restera toujours à contre-courant, à la marge, à l’image de ses personnages les plus emblématiques.
Raphaël Bleines-Ferrari
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