Licorice Pizza : plongée nostalgique dans le Los Angeles des années 70
Date de publication : 21.01.22
Nombreux sont les réalisateurs dont le nom est systématiquement associé à une ville emblématique : on peut citer Woody Allen avec New York, Pedro Almodovar avec Madrid ou encore Federico Fellini avec Rome. Qu’il s’agisse de leur ville de naissance ou d’une découverte transformatrice, ces villes deviennent un réel motif, une toile de fond pour leur filmographie. C’est aussi le cas pour Paul Thomas Anderson, qui avec son dernier film Licorice Pizza situe encore son récit dans la vallée de San Fernando à Los Angeles, comme ce fut le cas pour Boogie Nights, Magnolia et Punch Drunk Love.
Avec cette histoire d’amour adolescente sur la côte californienne, Paul Thomas Anderson s’inspire de sa propre adolescence ainsi que de la vie de Gary Goetzman, producteur et ami d’enfance du réalisateur, et donne ainsi à ses équipes créatives une base de travail considérable pour reconstituer le Los Angeles des années 70.
Il était une fois à L.A.
C’est à la cheffe décoratrice Florencia Martin qu’on doit la tâche titanesque de recréer l’ambiance californienne des années 70. Dans les lignes de Variety, elle explique tout son processus de recherche afin de se procurer les objets et accessoires qui garniront les décors du film. Au détour des nombreuses scènes, on peut ainsi observer des pancartes et enseignes authentiques, chinées auprès de collectionneurs ou passionnés par l’équipe du film.
Le travail consistait notamment à dénicher les fameux lits à eau, passés de mode désormais, mais dont quelques fournisseurs existent encore aujourd’hui. Florencia Martin a consulté les archives du journal L. A. Times qui relataient le véritable parcours du jeune Gary Goetzman en citant notamment les sociétés qui avaient la main mise sur tout le marché dans les années 70. Certaines étant encore en existence, elles ont été d’une aide inestimable pour la production du film, en fournissant les fameux lits, mais aussi des polaroids qui ont servi d’inspiration visuelle pour la conception des décors.
L’histoire est similaire concernant les flippers, seconde entreprise de Gary Goetzman après les lits à eau. Ceux-ci étaient interdits à la vente avant 1973 avant d’être de nouveau légalisés. Pour se procurer des machines de l’époque, Florencia Martin s’est ainsi rendue dans la salle d’arcade Glendale’s Vintage Arcade Superstore qui ont fourni à la production des modèles datant d’il y a plus de 50 ans.

Le pouvoir de la pellicule
Paul Thomas Anderson fait partie du dernier bastion défenseur de la pellicule avec ses camarades Quentin Tarantino, Christopher Nolan ou encore James Gray. Sur Licorice Pizza, il poursuit le chemin entrepris avec Phantom Thread : celui d’être directeur de la photographie, en plus de la casquette de scénariste et réalisateur. Il travaille ici en binôme avec Michael Bauman, chef électricien et éclairagiste depuis près de 30 ans qui puise dans toute son expérience afin de lui aussi entrer dans le monde de la direction photographique.
Dans une interview donnée au site The Film Stage, ce dernier explique s’être d’abord inspiré de nombreux films des années 70, revisitant avec Paul Thomas Anderson les grandes épopées urbaines que sont American Graffiti ou Manhattan. Un travail de recherche qui donnera au duo de nombreuses idées de plans, lumières et mouvements de caméra pour Licorice Pizza.
Mais c’est bien grâce à la captation en pellicule que toute la magie opère dans Licorice Pizza, dès le choix des objectifs qui pour beaucoup datent des années 70. On retrouve ici des optiques dites anamorphiques qui donnent au film ce look vintage et granuleux, avec un flou d'arrière-plan (bokeh) et des faisceaux de lumières plus diffus, afin de favoriser l’atmosphère à la netteté de l’image. Selon Paul Thomas Anderson « Il faut dégrader l’image un petit peu, faire en sorte qu’elle ait un peu de texture pour qu’il y ait une connexion avec le public ». Cette intention s’est aussi traduite par l’utilisation de lampes à arcs, des lumières ayant servi à éclairer des films des années 20, bien avant les LED d’aujourd’hui.
Ce travail d’orfèvre se traduit à l’écran, avec un émerveillement visuel de tous les instants : un voyage dans le temps qui nous rend nostalgiques d’une époque et d’une ville que nous n’avons pour beaucoup pas connues.

Hugo Cléry | @HugoClery