Danse et cinéma : un duo indissociable depuis 120 ans

Date de publication : 25.03.22

Quand on pense aux prémices du cinéma, on pense à la photographie, au théâtre, mais il y a un art qui est lié depuis toujours à celui du cinéma : la danse. Depuis leurs fondements (étant tous les deux liés au mouvement) en passant par l’intime lien que les deux disciplines entretiennent depuis maintenant 120 ans, danse et cinéma n’ont jamais cessé de se faire écho.

À l’occasion du film de Cédric Klapisch En Corps (le 30 mars au cinéma), revenons sur l’histoire d’un duo qui, encore aujourd’hui, continue de faire du tango.

 

La naissance du cinéma par la danse

Au commencement du siècle dernier, la danse était déjà présente alors que le cinéma n’en était qu’à ses balbutiements. De nombreux films des frères Lumière mettent en scène des danses exotiques à la fin du 19eme siècle, alors que la Gaumont réalise une grande majorité de ses films sur la danse entre 1900 et 1902.

Les images font désormais partie du patrimoine cinématographique et montrent que la danse fut au cœur des expérimentations des pionniers du cinéma, Georges Meliès en tête. La caméra reste fixe, le mouvement émane de l’artiste qui danse, et c’est déjà un miracle. Une relation est née, et elle va perdurer pendant encore plus d’un siècle.

L’âge d’or des comédies musicales

La première moitié du 20ème siècle nous amènera à l’âge d’or de ce qui deviendra le genre dominant de l’époque : la comédie musicale. Et des années 30 aux années 50, jouer dans une comédie musicale, c’est avant tout être un performer : être capable de chanter, danser et jouer la comédie sont autant de cordes à l’arc des acteurs et actrices les plus prisés d’Hollywood. On pense à Fred Astaire, poulain de la RKO à l’époque, ainsi que sa partenaire à l’écran Ginger Rogers, mais aussi à Gene Kelly ou encore Busby Berkeley. 

Mais un film va marquer son empreinte indélébile sur le genre, avec une influence qui se ressent encore aujourd’hui : Les Chaussons rouges de Michael Powell et Emeric Pressburger (1948), qui immerge le spectateur au sein d’une troupe de ballet. Dans cette véritable tragédie nous venant du Royaume-Uni, une danseuse sacrifie tout pour s’identifier à l’héroïne qu’elle incarne. On pourrait être un peu surpris d’apprendre qu’il s’agit du film préféré de Martin Scorsese, qui estime qu’il reste à ce jour « le plus beau film en Technicolor ». On y voit en tout cas les racines d’œuvres plus récentes comme Phantom of Paradise de Brian De Palma (1974) ou encore Black Swan de Darren Aronofsky (2010).

Le renouveau des années 60 et 70

Les deux décennies des années 60 et 70 sont musicalement marquées par l’essor du rock et de la disco, et cela se ressent : la comédie musicale est en train de vivre ses derniers instants, mais la danse semble là pour rester. En France, Les Demoiselles de Rochefort (et globalement le cinéma de Jacques Demy) répondent aux comédies musicales américaines de l’époque, West Side Story en prime. 

La dramaturgie se complexifie, les sujets sont plus profonds et contemporains.  Au début des années 70, c’est l’inévitable passage du genre au film musical. Les séquences en studio se font plus rares et les intrigues plus complexes. On pense évidemment au cinéma de Bob Fosse avec Cabaret (1972) et All that Jazz (1979) mais aussi à Saturday Night Fever (1977) ou encore Grease (1978), deux films qui ont définitivement lancé la carrière de John Travolta. De son côté, Dario Argento fait basculer la danse dans le film d’horreur avec Suspiria (1977). 

Et aujourd’hui ?

Si la comédie musicale refait ponctuellement surface avec des films comme La La Land de Damien Chazelle (2016) ou le récent remake de West Side Story par Steven Spielberg, la danse est désormais une affaire de pure dramaturgie : elle devient une thématique du récit, un support de narration permettant de faire passer des émotions au-delà des mots, sans pour autant remplacer les séquences dialoguées. L’essence même de l’art en somme. Le cinéma émerge de la performance corporelle de ses danseurs, à l’image de Dancer in the Dark de Lars von Trier (2000), où le réalisateur a utilisé pour certaines scènes des dizaines de caméras afin d’en capter les moindres détails. 

Le cinéma continue de nous immerger dans les coulisses de la danse et de ses troupes, qu’il s’agisse du rêve d’un petit garçon dans Billy Elliott (Stephen Daldry, 2000), de l’anxiogène Black Swan (Darren Aronofsky, 2010) ou des tribulations d’une chorégraphe en devenir dans Frances Ha (Noah Baumbach, 2012). La danse devient alors l’obsession de ces personnages, une raison d’être, à l’instar du film sportif. C’est le cas dans En Corps de Cédric Klapisch :  Marion Barbeau, véritable danseuse de l’Opéra de Paris, y interprète Elise, une ballerine qui va se reconvertir dans la danse contemporaine après s’être blessée pendant une représentation.

 

Hugo Cléry | @HugoClery