Le crowdfunding : une aubaine pour le cinéma indépendant mais avec des limites
Date de publication : 09.01.19
Vous souhaitez apporter votre aide financière à la production d’une web série ? Contribuer à la réalisation d’un court-métrage ou d’un film d’animation ? C’est désormais possible en quelques clics. Véritable aubaine pour les films indépendants, le crowdfunding est une petite révolution dont on commence à entrevoir certaines limites…
Les opportunités du crowdfunding pour le cinéma

Le financement participatif, ou crowdfunding, est un concept en vogue qui permet de financer une initiative en s’appuyant sur la contribution d’un grand nombre de personnes sur internet. Parmi les sites incontournables en la matière, on trouve notamment Touscoprod, consacré au cinéma, ou Ulule, plus généraliste. Sur ces plateformes, chaque créateur met en ligne un descriptif de son projet, le plus souvent accompagné d’une maquette ou d’une bande-annonce, en précisant la somme qu’il souhaite récolter. Les internautes ont alors quelques semaines pour investir. En échange, ils reçoivent des avantages en nature (œuvre dédicacée par l’artiste, billets pour l’avant-première du film, rencontre avec les acteurs…), ou un droit à recette sur les bénéfices espérés.
L’essor de ce type de financement en France est considérable, puisqu’il a permis aux projets concernés de lever 336 millions d’euros en 2017. C’est 44 % de plus que l’année précédente. Seulement, les projets sont nombreux à se partager le pactole et les mises des contributeurs restent modestes (5 euros en moyenne). Sans compter que ces contributeurs se trouvent généralement déjà dans le cercle de connaissance de l’artiste. Alors, est-on vraiment capable de produire un film uniquement grâce aux fonds d’internautes anonymes ?

Aux Etats-Unis, où la culture du mécénat est très marquée, les résultats ont très vite été probants. Dès 2012, 10 % des films présentés au Festival de Sundance avaient recueilli des fonds par la voie participative. On peut notamment citer le film de Lisanne Pajot, Indie Game : The Movie , documentaire consacré aux créateurs de jeux vidéo indépendants, ou encore Me @ The Zoo de Chris Moukarbel et Valerie Veatch, sur le quotidien d’un jeune blogueur controversé. En 2013, Inocente de Sean Fine est devenu le premier film oscarisé financé exclusivement grâce au modèle participatif. Il avait récolté 50 000 dollars sur internet.
En France, les productions sont de plus en plus nombreuses à compter sur le financement participatif pour boucler leur budget. La comédienne Michèle Laroque a ainsi récolté 400 000 euros pour son film Jeux dangereux (2013). De même, Polisse (2011) de Maïwenn, ou le premier film d’Audrey Dana, Sous les jupes des filles (2014), ont également fait appel à la générosité des internautes.
Cependant, à moins que le projet soit un court-métrage, le crowdfunding ne peut pas être sa seule source de financement. Il ne peut pas encore être considéré comme un mode de production à part entière, mais comme un apport pour initier ou compléter un projet. C’est aussi un gage intéressant pour trouver d’autres financeurs, puisque le long-métrage a toujours besoin de producteurs professionnels et de subventions pour parvenir à ses fins. L’exemple américain montre que les projets participatifs concernent essentiellement des œuvres dites « indépendantes » qui n’auraient pas d’autre solution pour recevoir des avances sur recettes.
Les dérives possibles du crowdfunding au cinéma

S’il est parfaitement légitime que des proches se cotisent pour financer le premier court-métrage du jeune prodige de la famille, il est plus ennuyeux que la participation de fans soit un prérequis pour lancer la production d’un film.
C’est ce qui s’est passé au lancement de la production de Veronica Mars : le film (2014). Comme le studio Warner Bros était réticent à sortir une adaptation cinéma de la série télévisée à succès Veronica Mars, Rob Thomas, son créateur, a décidé de lancer une campagne de crowdfunding. En 31 jours seulement, le projet avait récolté 5,7 millions d’euros (un record !), convaincant ainsi le studio américain de produire le film. Si au premier abord, l’histoire peut sembler belle, elle est aussi un exemple de détournement du principe même de financement participatif. Sous prétexte d’associer les fans à un projet, on tente de convaincre un producteur qui souhaite être rassuré par le succès d’une telle opération. Sauf que l’argent touché, lui, n’est pas remboursé. Les fans sont ainsi obligés de mettre la main au porte-monnaie pour que le projet aboutisse.
Le crowdfunding est donc une formidable opportunité pour le cinéma indépendant de contourner le système classique de financement. En revanche, il n’est pas suffisant pour produire des longs métrages et risque de devenir une phase de test injuste pour les fans de certaines franchises, contraints de financer les films qu’ils aimeraient voir à l’écran.
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@antoine_corte