Le sixième enfant : un drame poignant sur l'adoption clandestine

Dans son premier long-métrage sorti en salles le 28 septembre 2022, Léopold Legrand a choisi d'aborder le sujet périlleux de l’adoption clandestine. Grand vainqueur du Festival du Film Francophone d’Angoulême avec quatre prix, Le Sixième Enfant est librement adapté du roman Pleurer des rivières, d’Alain Jaspard.

Destins croisés

Franck et Meriem (Damien Bonnard et Judith Chemla) vivent dans une caravane avec leurs cinq enfants. Julien et Anna (Benjamin Lavernhe et Sara Giraudeau, interprétant déjà un couple dans Le Discours de Laurent Tirard), tous deux avocats, peinent à fonder une famille. Lorsque ces deux couples que tout oppose se rencontrent, Franck et Meriem croulent sous les dettes et attendent un sixième enfant. Une proposition impensable va alors voir le jour. 

Mené par des interprètes charismatiques, ce quatuor nous livre un récit qui aborde des questionnements existentiels, s’éloignant des clichés du drame social, maintes fois porté à l’écran. Avec une réalisation maîtrisée, empruntant à la fois les codes du drame et du thriller, Le Sixième Enfant met en lumière des protagonistes ancrés dans le réel. Franck et Meriem n’ont pas les moyens d’élever ce nouvel enfant, alors que Julien et Anna ne demandent qu’à lui offrir l’amour et la vie qu’il mérite. Pourtant, l’arrangement envisagé est interdit et sévèrement puni par la loi. D'ordinaire, la religion, au cœur de la vie de Franck et Meriem et la loi, primordiale pour Julien et Anna, vont influencer leurs décisions. Mais cette fois-ci, la trajectoire croisée des deux couples va les conduire à repenser leurs valeurs morales. 

Un désir viscéral de maternité

Au-delà des deux couples, Le Sixième Enfant concentre notre attention sur deux personnages féminins. Judith Chemla et Sara Giraudeau incarnent deux femmes qui vont nouer un véritable lien autour d’une maternité non-désirée pour l’une et impossible pour l’autre. Les performances des deux actrices ont été récompensées par le Prix d’interprétation féminine ex aequo du Festival du Film Francophone d’Angoulême. 

Mettant de côté ses croyances religieuses, Meriem est prête à donner son enfant à Anna pour lui assurer une vie meilleure, à l’abri du besoin : un sacrifice qui semble inspiré des récits bibliques. Au fur et à mesure du film, le profond désir de maternité d’Anna va devenir le fil rouge du récit. Meurtrie par les opérations, les fécondations in vitro, les tentatives de grossesses et d’adoptions la jeune femme semble prête à tout pour chérir l’enfant tant désiré. Plus qu’une frustration, c’est une obsession et même un besoin vital qui naît en elle. 

Quand l’humanité transgresse la morale

Le Sixième Enfant, c’est l’histoire d’un drame existentiel qui touche des hommes et surtout tant de femmes. Sans jamais les juger, le film questionne avec beaucoup de pudeur les choix de ses personnages. Donner la vie, adopter un enfant au détriment de la loi : les décisions des protagonistes sont dictées avant tout par l’amour et l’instinct humain. Le premier film de Léopold Legrand nous touche en plein cœur, déconstruisant notre conscience morale et appelant notre empathie.

Marie Serale | @marie_serale