Robert Eggers explore la mythologie viking dans The Northman
Date de publication : 03.06.22
Après avoir exploré en détail le folklore de la Nouvelle-Angleterre du 17e siècle, puis celle du 19e siècle dans The Lighthouse, Robert Eggers rempile avec un nouveau film d’époque au récit bien plus lointain. The Northman nous place au début du 10e siècle et a pour ambition d’être le film le plus fidèle à l’univers viking. Le réalisateur, davantage habitué aux cartons indépendants chez le désormais célèbre studio A24, met cette fois un pied dans le cinéma blockbuster en travaillant avec Universal. En a-t-il trahi son cinéma pour autant ?
Quête de vengeance
The Northman raconte l’histoire d’un jeune prince nordique en deuil de son père, assassiné par son oncle. Devenu un Viking sanguinaire (un Berzerker), il se lancera à nouveau dans la quête de vengeance qu’il s’était promis de mener à son terme. Il embarque alors pour l’Islande sur la trace de son oncle assassin. Le film déjoue les poncifs de la quête initiatique pour raconter l’histoire d’un homme dont la rage bestiale et le conditionnement chamanique l’ont visiblement dépouillé de toute humanité. Ayant renié son héritage, il est devenu un pilleur sans merci, un tueur sans remords. C’est en rencontrant deux femmes, une devineresse et une esclave, qu’il retrouvera peu à peu sa volonté de vivre, intriquement liée à sa soif de vengeance qu’il avait pourtant oubliée.

Robert Eggers et son co-scénariste Sjón ont voulu aller à la racine des grandes Sagas littéraires nordiques. En racontant l’histoire d’Amleth, ils puisent ainsi dans un récit qui a inspiré Hamlet de Shakespeare alors que les deux personnages sont en définitive bien différents. Pour Neil Price, spécialiste de l’ère Viking et collaborateur de Eggers sur le film “Robert (Egger) est revenu à la source, mais l’a aussi faite sienne. Il n’a pas juste fait un film sur Amleth, il voulait le situer dans un âge Viking crédible et aussi réaliste que possible à l’écran”. Et réaliste, The Northman l’est dans ses grandes largeurs.
Quête d’authenticité
Venant de Robert Eggers, on s'attend évidemment à un film réaliste, qui ne fait aucune concession sur l’authenticité du monde qu’il nous soumet à l’écran. De la construction des décors à celle des drakkars selon les procédés de l’époque, tout a été pensé pour le monde de The Northman soit crédible et fidèle à celui des Vikings. Si le spectateur n’est évidemment pas historien, ce souci du détail favorise sa suspension d’incrédulité pour une immersion sensorielle dans la Scandinavie de l’ère Viking.

Et bien sûr, tout cela a un coût : alors que ces deux précédents films affichent un budget de 4 millions (The Witch) et 11 millions de dollars (The Lighthouse), The Northman a lui coûté la bagatelle de 90 millions de dollars. Il n’en fallait pas moins pour réaliser la vision d’un monde authentique à l’écran. Le revers de la médaille se révèle être systématiquement une collaboration créative houleuse entre le réalisateur et le studio. Eggers ne s’est pas privé de le dire en pleine promo du film, déplorant sans surprise qu’il n’aurait pas le final cut (le montage final) en travaillant avec Universal : “Le studio a pris un gros risque en laissant le réalisateur de deux films art et essai aux commandes d’un gros film de vikings réalisé en caméra unique avec tous ses chefs de départements.” (via Écran Large).
Malgré tout, The Northman reste un film de Robert Eggers, un récit ancré dans la réalité d’époque, flirtant volontiers avec le mystique et le surnaturel. Un mélange des genres qui, on l’espère, réussira au film au box-office, alors que le modèle actuel des studios semble défavoriser toute prise de risque comme celle-ci.
Hugo Cléry | @HugoClery