Beau is afraid : odyssée aux confins de l’angoisse
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À 36 ans, moins d’une dizaine de courts-métrages et deux longs-métrages auront suffit à Ari Aster pour obtenir l’attention du public et de la critique internationale. Ses films Hérédité (2018) et Midsommar (2019) sont, à ce jour, deux des plus gros succès de la société indépendante américaine de production et de distribution A24. De quoi s’offrir le luxe de réaliser un projet aussi personnel que titanesque : Beau is afraid, un long cauchemar nourri de délires obsessionnels et artistiques, mettant en scène un Joaquin Phoenix très chahuté.
Labyrinthe mental
Les premiers instants de Beau is afraid nous font comprendre que pour les trois heures suivantes, nous serons traités de la même façon que le protagoniste : nous découvrirons le film à travers ses yeux et subirons ses angoisses. Beau, la cinquantaine, a peur de tout. Il vit dans un appartement miteux et impersonnel, situé dans un quartier hostile. L'œil hagard, la démarche méfiante : sa vie ne semble pas lui appartenir. Dans son quotidien, tout est propice à alimenter sa paranoïa, souvent cocasse : une invasion d’araignées tueuses dans son immeuble, un serial killer qui sévit dans son quartier, sans parler des médicaments qu’il consomme religieusement… Même son psychologue semble se moquer de lui.
Alors que Beau s’apprête à rendre visite à sa mère, rien ne se passe comme prévu. Dévoilé en 2011, le court-métrage Beau d’Ari Aster annonçait déjà les prémices cauchemardesques de l’odyssée de cinéma qu’est Beau is afraid. Car oui, ce voyage vers sa mère, point de départ déjà anxiogène de notre rencontre avec le personnage, va devenir une véritable odyssée digne des plus grandes tragi-comédies. Si Beau is afraid emprunte de multiples références artistiques et cinématographiques, le film possède également une dimension théâtrale majeure. Bien que discontinue, la narration semble être divisée en quatre grands actes, dont un prologue et un épilogue. D’autre part, des indices annonciateurs de la suite, voire de la fin de l'histoire sont disséminés dans le récit comme l'a fait Shakespeare dans Roméo et Juliette. Cette dimension théâtrale se concrétisera notamment au cours d'une hypnotique, quoiqu'un peu évidente, séquence introspective dans une forêt, dont nous garderons le secret.
Allô Maman bobo
Beau a grandi avec une mère omniprésente, voire omnisciente. Toute sa vie, il a porté le fardeau d'un père décédé au moment même de sa propre conception et a cru en une malédiction familiale condamnant les relations sexuelles. Prisonnier d’une mère castratrice et de névroses œdipiennes, Beau n’a jamais grandi, c’est un enfant dans un corps d’adulte. Ari Aster mobilise tous les symboles méticuleusement disposés au fil du récit pour nous faire comprendre que tous les démons de Beau s’incarnent dans sa mère.
Cette dernière, prénommée Mona (qui signifie « seul » en grec et « désir » en arabe) est une puissante femme d’affaires qui règne sur l’ensemble de son entourage. Cependant, nous ne percevons cette figure maternelle qu’à travers la psyché de Beau. Entre psychanalyse parodique et calvaire hallucinatoire, Ari Aster ne s’impose aucune limite narrative et de mise en scène pour figurer l’emprise maternelle mentale et physique exercée sur son protagoniste.
L’enfer, c’est les autres ?
Beau is afraid nous introduit de nombreux personnages secondaires. Certains, agissant au présent ou au passé, sont bien réels, tandis que d’autres sont hallucinés ou déformés par les angoisses toujours plus chaotiques de Beau. Outre la mère, la figure familiale est également représentée dans ce que l’on pourrait appeler le deuxième acte du film. Il s’agit d’une famille radicalement dysfonctionnelle et amputée de l’un de ses membres, thématique déjà explorée dans Hérédité et évoquée dans Midsommar à travers le deuil et la famille alternative. Dans Beau is afraid, comme dans ses deux films précédents, Ari Aster exprime les névroses de ses personnages à travers la toxicité familiale.
Et si Beau nous renvoie l’image d’un homme victime des autres, tantôt paralysé, séquestré, terrifié, il est aussi victime de lui-même, incapable de faire des choix et de vivre sa vie. L'interprétation de Joaquin Phoenix, acteur brillant mais parfois imposant, sert ici parfaitement le récit. Quant à nous autres, spectateurs, nous devenons nous aussi peu à peu les victimes d’un récit foisonnant qui, sans jamais chercher à nous contenter, nous oblige à revoir nos attentes à chaque seconde, passant de l’hilarité nerveuse à l’angoisse la plus totale.
Génie artistique ou délire obsessionnel ? Avec Beau is afraid, Ari Aster s’affranchit en tout cas des codes qui lui étaient attribués et signe une expérience indescriptible, à vivre absolument dans une salle de cinéma.
Marie Serale | @marie_serale
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