The Chronology of Water : dans les profondeurs chlorées

© Les Films du Losange

Date de publication : 20.10.25

De Panic Room à Into the Wild, en passant par la saga Twilight ou encore Love Lies Bleeding, Kristen Stewart n'a cessé de nous surprendre tout au long de son parcours en tant qu'actrice. Après avoir réalisé plusieurs courts-métrages, elle signe aujourd'hui son premier long, en adaptant le récit autobiographique de Lidia Yuknavitch. Présenté cette année en section Un certain regard du Festival de Cannes et récompensé du Prix de la Révélation au Festival du Cinéma Américain de Deauville, The Chronology of Water est un film puissant et audacieux qui retrace une vie tortueuse.

Fragments d'une vie déchirée

Bien que The Chronology of Water soit adapté d'un livre, il n’est pas facile de le décrire avec des mots. Le film est semblable à un immense puzzle et présente un récit éclaté en mille fragments, une vie saccadée, reconstituée d’une manière très singulière. Kristen Stewart nous plonge dans l’histoire de Lidia Yuknavitch comme dans un lac sombre en plein orage : impossible de savoir d’où l’on vient, ni dans quelle direction on va, il faut tenter d'apprivoiser les ténèbres. Le chaos dans lequel nous sommes projetés est pourtant savamment orchestré, de sorte que l’on puisse retracer les liens entre les fragments de vie qui nous sont dévoilés. Grâce au montage vif et brut d’Olivia Neergaard-Holm, l’image et le son s’entrechoquent, se complètent et se contredisent parfois. Kristen Stewart ne se contente jamais de dérouler l’histoire de Lidia Yuknavitch de manière linéaire : elle dissèque les pensées, les souvenirs et les sensations pour offrir une expérience de cinéma aussi impressionnante que dérangeante.

À travers sa forme audacieuse, The Chronology of Water parle de violence, d’inceste, d’autodestruction et de souffrance, mais aussi de création et d’une forme de renaissance. Le film nous présente une héroïne dont la vie est broyée dès l’enfance, une femme qui nage dans les traumatismes les plus violents et qui avance dans les ruines. Imogen Poots, qui interprète Lidia de l’adolescence à l’âge adulte, est de toutes les scènes, comme un repère dans cette tempête narrative. Elle incarne avec force et passion cette héroïne abîmée par la vie, qui plie, mais ne se rompt jamais. Son corps, filmé de très près, évolue au fil de cette chronologie de l’eau, dans une expérience sensorielle : il saigne, se brise, nage, se débat, déborde de courage, d’espoir et de vie. 

© Andrejs Strokins

Écrire pour se réapproprier sa voix


« Les souvenirs sont des histoires », écrit Lidia Yuknavitch dans son livre : une phrase que l’on retrouve dans le film de Kristen Stewart et qui fait résonner la puissance du récit. The Chronology of Water aborde de manière frontale la cause et les conséquences des traumatismes, mais il donne aussi à voir la résilience et la force de son héroïne. Le parcours de vie de Lidia a beau être tortueux et profondément difficile, il s’agit de sa propre histoire. Grâce à l’écriture, elle trouve un moyen de se réapproprier sa voix, d’hurler les mots qu’on lui a volés avant même qu’elle ne puisse les prononcer et peu à peu, de se reconstruire. Le film souligne aussi à quel point il peut être vital de raconter les histoires et la manière dont les histoires des autres peuvent résonner en nous.

Kristen Stewart signe ainsi un premier long-métrage qui déborde d’un désir et d’une urgence de raconter. Elle nous propose une œuvre dense, imparfaite et éprouvante, mais aussi d’une beauté éclatante. 

 

Marie Serale
 

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