Love me tender : vivre libre

Date de publication : 10.12.25

Cette année, le cinéma nous a offert de multiples regards sur la famille et la maternité, avec des œuvres aussi diverses que Des preuves d’amour d’Alice Douard, Les enfants vont bien de Nathan Ambrosioni ou encore L’Aventura de Sophie Letourneur. En adaptant l'autofiction de Constance Debré pour son second long-métrage, Anna Cazenave Cambet nous plonge à son tour dans un récit qui interroge ce que signifie faire famille aujourd’hui. Avec Love Me Tender, la cinéaste esquisse surtout le portrait d’une héroïne qui lutte pour rester mère, femme, libre.

Sortir d’un engrenage

Anna Cazenave Cambet nous présente Clémence, l’héroïne de son long-métrage, dans un lieu qui symbolise à la fois sa force tranquille et sa sensualité. C’est à la piscine qu’elle se dévoile, sous les traits de Vicky Krieps, sur les carreaux bleus, dans les couloirs de nage ou à l’abri d’un vestiaire. Elle nage tous les jours, avec discipline, depuis le début de sa nouvelle vie. En effet, il y a quelque temps, elle a quitté son métier d’avocate et son mari, Laurent. Ils n’ont pas encore divorcé et entretiennent un rapport amical, pour le bien de leur fils, Paul. Lorsque Clémence annonce à Laurent qu’elle vit des histoires d’amour avec des femmes, ce dernier fait mine de se réjouir pour elle. Pourtant, très vite, animé par une misogynie et une homophobie tristement ordinaires, il fera tout son possible pour retirer à Clémence la garde de son fils.

Love me tender nous raconte le combat d’une mère, mais surtout d’une femme pour sortir d’un engrenage. En plus de subir les injonctions, mais aussi les jugements qui visent directement ses choix de vie, elle doit faire face à la complexité d’une procédure judiciaire qui n’en finit pas. Pour vivre libre, Clémence a fait le choix de rompre avec les conventions attribuées à son genre et sa classe. Lorsque son ex-mari tente de le lui faire payer, en la privant du lien avec son enfant, ce sont les murs de toute une société qui l’enferment. À travers les mots de Constance Debré et les images d’Anna Cazenave Cambet, c’est la voix d’une héroïne puissante qui s’élève. Si elle nage tous les jours, c’est pour lutter avec méthode, pour ne pas sombrer, mais aussi pour ne jamais s’oublier. 

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Prendre les armes pour être soi 

Dans Love me tender, Anna Cazenave Cambet nous présente une héroïne comme on en rencontre peu dans la fiction ou au cinéma. Interprétée avec un subtil mélange de force et de fragilité dont Vicky Krieps a le secret, Clémence a le relief d’une femme que l’on pourrait croiser dans la vie réelle, plus que celui d’un personnage de fiction. En racontant son histoire sur plusieurs années, le film nous donne à voir l’étendue de son combat, de ses doutes et de ses souffrances, mais aussi l’exploration de ses désirs. Clémence est à la fois déchirée par la procédure judiciaire qui s’étire et l’éloigne de son fils, mais aussi animée par l’écriture, qu’elle semble envisager à la fois comme une mission et un salut.

Anna Cazenave Cambet dépeint le portrait de son héroïne de manière sensorielle, en s’intéressant au grain de sa peau, à sa façon de se mouvoir et à son regard, tout en préservant une part opaque de son intériorité. Ainsi, malgré la profondeur du personnage et le jeu tout en nuances de Vicky Krieps, on reste parfois à distance de ses émotions. Love Me Tender n’en demeure pas moins un récit important : celui d’une femme qui trouve en elle-même le courage de se libérer des injonctions qu’on lui impose, pour vivre comme elle l’entend. Et si, en réalité, le combat est loin d’être terminé, le film nous offre aussi des éclats de douceur, comme un après-midi sous la douce lumière du soleil landais avec Clémence et Paul. Ces instants précieux rappellent que l’amour pour les autres, mais surtout pour soi-même, peut aider à garder la tête hors de l’eau.

 

Marie Serale 

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