On vous croit : écouter pour mieux protéger

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Date de publication : 14.11.25

La justice prend du temps et ses procédures constituent un chemin sinueux qui abîme souvent ceux qui l’empruntent. Dans leur premier long-métrage, Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys s’intéressent au combat d’une mère pour conserver la garde exclusive de ses enfants et les protéger de leur père, accusé d’inceste. Véritable cri du cœur, On vous croit met en lumière une réalité douloureuse et la nécessité d’adapter les procédures judiciaires en matière de violences sexuelles.

Le combat d’une mère protectrice

Le film s'ouvre sur un souffle : celui d’Alice (Myriem Akheddiou), qui s’apprête à vivre une matinée décisive. Grâce à ce son qui précède l’image, On vous croit nous place au plus près de son héroïne, qui se rend au tribunal. Elle doit rencontrer une juge et défendre ses enfants, Lila (Adèle Pinckaers) et Etienne (Ulysse Goffin), dont la garde est remise en cause. Lors de cette audience, elle n’a pas droit à l’erreur. Comme le veut la procédure, elle est confrontée aux discours des avocats et du père de ses enfants (Laurent Capelluto), qu’elle doit écouter sans intervenir, avant de pouvoir s’exprimer à son tour.

Le sujet du long-métrage nous rappelle d’abord Jusqu’à la garde de Xavier Legrand, puis le climat d’urgence et de tension dans lequel évolue le personnage d’Alice nous évoque aussi À plein temps d’Eric Gravel. Le film de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys se déroule sur une matinée, mais le combat d’Alice dure depuis des mois. L’audience offre une chance d’être entendu. On peut s’y préparer, mais elle n’aura lieu qu’une seule fois. Le long-métrage s’appuie d’ailleurs sur cette longue scène, tournée en une prise continue avec trois caméras. Pour accentuer le réalisme et l’authenticité du propos, les cinéastes ont choisi de faire jouer des acteurs professionnels, mais aussi des avocats. À travers une fiction intense à l’écriture acérée, On vous croit nous plonge ainsi dans la réalité d’un système judiciaire.  

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Respecter la parole des enfants

Inspiré d’un slogan qu’on peut entendre dans les rues ou lire sur les murs, le titre « On vous croit » résonne à la fois comme une marque de soutien et comme un moteur de changement. Le film de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys met en lumière la nécessité de croire et de protéger la parole des enfants. Sans remettre en question la présomption d’innocence, le long-métrage invite à s’interroger sur l’importance du principe de précaution dans les affaires de violences sur mineurs. Au-delà de proposer une critique du système judiciaire, On vous croit s’attache à en représenter les nuances, notamment grâce au personnage, plutôt progressiste, de la juge (Natali Broods), qui tente d’empêcher les rapports de domination pendant l’audience.  

« On vous croit », c’est aussi la phrase qu’Alice et ses enfants espèrent entendre. Toute la tension du film repose, non pas sur l’attente d’un verdict, mais sur la parole, sur ceux qui la délivrent et ceux qui la reçoivent. La réussite du long-métrage est le fruit de l’interprétation magistrale de ses acteurs, de sa mise en scène épurée, de ses dialogues percutants, mais elle s’explique aussi par sa sincérité et sa dimension presque documentaire. Le film s’inspire notamment du vécu de Charlotte Devillers, co-réalisatrice et professionnelle de santé travaillant avec des victimes de violences. Dans son rapport de novembre 2023, la CIIVISE rappelle qu'en France, 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles, qu’une plainte n’est déposée que dans 12% des cas et que seulement 1% de ces cas font l’objet d’une condamnation. En rappelant à quel point il est courageux de parler, On vous croit nous incite aussi à mieux écouter.

 

Marie Serale

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