ÉPISODE 18 – Le fantastique tournage sous-marin d’Abyss
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La scène : L’équipage de la plateforme de forage sous-marine DeepCore guide une équipe de SEAL dans l’exploration d’un sous-marin américain échoué au bord de la fosse des Caïmans. Au cœur de l’épave et au milieu des cadavres, les plongeurs s’apprêtent à faire une rencontre incroyable.
En collaboration avec le magazine Troiscouleurs, découvrez un métier du cinéma, en explorant les coulisses d’une scène culte. Dans ce volet, on plonge dans le quatrième film de James Cameron, qui met en branle le tournage sous-marin le plus ambitieux jamais conçu. Et l’un des premiers membres de l’équipe embauchée est une légende de la plongée : Al Giddings.
_Par Julien Dupuy
L’appel des abîmes
Il est communément admis que c’est le Tunisien Albert Samama qui fut le premier à embarquer une caméra sous l’eau pour filmer, en 1910, une pêche au thon. Dans les années suivantes, le cinéma, toujours avide d’images inédites, perfectionne ses équipements pour capter des scènes sous-marines saisissantes, parmi lesquelles il faut citer 20 000 lieues sous les mers, L’Étrange Créature du lac noir, Opération Tonnerre mais aussi les documentaires de Jacques-Yves Cousteau, dont les performances techniques ont ébahi le monde entier.
Parmi les spectateurs des films du Commandant français, un jeune Canadien, James Cameron. Il a une révélation en découvrant son œuvre et se découvre une vive passion pour la plongée. Il passe son brevet à 17 ans, et se promet de réaliser, un jour, un film de science-fiction situé aux tréfonds de l’océan.
Il faudra attendre plusieurs décennies et les triomphes consécutifs de Terminator et d’Aliens, le retour, pour que le studio Twentieth Century Fox lui donne enfin les moyens de concrétiser ce film, qui aura pour titre Abyss.
Tournage atomique
Dès le début de la production, Cameron rejette l’idée de filmer dans un contexte naturel : sur son tout premier film en tant que réalisateur, l’embarrassant Piranhas 2 : les tueurs volants, il avait passé énormément de temps à construire un décor au fond de l’océan pour découvrir, le lendemain, que les courants marins avaient tout emporté. « L’océan est l’ennemi des cinéastes », déclare-t-il.
Faute de trouver un bassin de tournage capable de répondre à ses besoins, il choisit de transformer la structure d’une centrale nucléaire abandonnée. Le bassin central de l’édifice, d’un diamètre de 65 mètres et d’une profondeur de 20 mètres, est aménagé à grands frais pour accueillir le décor principal du film : la station de forage DeepCore et le bord de la fosse des Caïmans qui seront immergés dans 28 000 tonnes d’eau pompées dans un lac voisin.
Sur ce chantier cyclopéen, Cameron est accompagné d’Al Giddings, LA référence en matière de tournages sous-marins : outre une palanquée de documentaires prestigieux (il fut le premier à filmer des baleines à bosse), Giddings a tourné les scènes sous-marines du thriller Les Grands Fonds, mais aussi de deux James Bond, Rien que pour vos yeux et Jamais plus jamais. « Je suis dans le top 10 des cameramen sous-marins », aime-t-il dire, « sauf que nous ne sommes que trois sur ce secteur ! »
Une abeille dans l’eau
Même si Al Geedings est qualifié par Cameron de « trépieds aquatique humain », ses talents d’opérateurs ne peuvent satisfaire toutes les exigences du cinéaste. Pour obtenir des mouvements d’appareil amples et rapides, Cameron met Geedings en contact avec son frère, Mike Cameron, ingénieur en mécanique de son état.
Ce dernier conçoit la « Sea Wasp » (l’abeille des mers) : la caméra est protégée d’une coque en mousse recouverte de fibre de verre et équipée de deux moteurs. Grâce à la « Sea Wasp », Geedings peut, à l’aide de deux manettes fixées sur les côtés de l’appareil, se propulser avec une vitesse et une précision jamais atteintes auparavant en milieu liquide.
Mais surtout, la « Sea Wasp » lui permet d’effectuer des travellings arrières, un déplacement quasi impossible à obtenir en caméra portée sous-marine.
Salomon, saumon agile
Un troisième membre de l’équipe est déterminant dans la réussite des images sous-marines d’Abyss : le directeur de la photographie Mikael Salomon. Pour le coup, Salomon est un néophyte complet en matière de plongée quand il se lance dans le film, et Cameron ne l’embauche que pour les scènes tournées « au sec ».
Mais le directeur de la photographie ne l’entend pas de cette oreille : à l’insu du cinéaste, il suit une formation expresse de plongeur et prend l’initiative de mettre en place les sources lumineuses du plateau aquatique. Encore débutant au moment du tournage, il a les plus grandes peines à évoluer sous l’eau, mais s’échine, bon an mal an, à déplacer lui-même les énormes projecteurs HMI étanches.
Parallèlement, il invente quantité de petites astuces pour faciliter son travail dans ce milieu hostile. Il se fabrique son propre luxmètre étanche et équipe chaque comédien d’un petit rectangle de plastique blanc, qu’ils tiendront devant eux pour faciliter les réglages de la lumière.
D’un océan à l’autre
Le tournage d’Abyss est un cauchemar qui accumule les catastrophes et exige de James Cameron une implication physique sans égal. Car au grand étonnement de Giddings, le cinéaste est constamment sous l’eau, à ses côtés, six jours par semaine durant huit semaines ! Et grâce à une station placée aux abords du plateau, Giddings comme Cameron peuvent remplir leurs bouteilles d’oxygène sans émerger.
Durant une journée particulièrement éreintante, Cameron reste ainsi 6 heures sous l’eau durant deux interminables cessions de 3 heures avec, à chaque fois, une heure de décompression ! Cette expérience extrême crée un lien fort entre les deux hommes qui ne se perdront plus de vue.
Ainsi, en 1992, Al Geedings invite le cinéaste à découvrir son nouveau documentaire projeté au gratin du tout Hollywood : Titanic: Treasure of the Deep. Durant la projection et au milieu de l’ambiance guindée de la salle, Cameron ne peut retenir des exclamations euphoriques.
Les lumières se sont à peine rallumées, qu’il demande à Geedings : « Emmène-moi là-bas, je veux voir cette épave de mes propres yeux. » Est-il utile de préciser que les deux hommes retravailleront ensemble, sur un autre film destiné à marquer l’histoire des tournages sous-marins ?
Pour aller plus loin
Un film promotionnel proposant une sélection des plus belles images tournées par Al Geedings (en anglais non sous-titré).
https://www.youtube.com/watch?v=1XWdEccWIc8
Deux Américains sont partis à la recherche des décors d’Abyss. Le récit et les photos de leur périple sont consultables ici (en anglais non traduit).
https://www.x-plane.com/adventures/abyss.html
La série de podcasts Blockbusters propose des biographies très complètes des grands réalisateurs américains contemporains. Al Geedings est interviewé dans la série consacrée à James Cameron (en anglais).
https://podcasts.apple.com/us/podcast/interview-with-al-giddings/id1451112935?i=1000487400306
Un petit making-of d’époque d’Abyss. Il existe un documentaire beaucoup plus complet, qui ne cache rien du cauchemar de ce tournage, intitulé Under Pressure et proposé sur le DVD du film (aussi fou que cela puisse paraître, Abyss n’est toujours pas sorti en Blu-ray !)
https://www.youtube.com/watch?v=Fq1BG6tNaow
Et on termine avec notre habituelle vidéo décalée. Pour cet épisode, nous vous proposons un remake d’Abyss en mode « suédé ».
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