ÉPISODE 15 – Jean Paul Gaultier, chef costumier sur Le Cinquième Élément
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La scène : Pourchassée par des policiers surarmés, Leeloo découvre brutalement les avenues fourmillantes de vie du New York de 2263. Alors qu’elle est coincée sur une corniche surplombant un canyon de béton, elle saute dans le vide pour échapper à ses assaillants et atterrit dans le taxi volant d’un certain Korben Dallas.
En collaboration avec le magazine Troiscouleurs, découvrez un métier du cinéma, en explorant les coulisses d’une scène culte. Dans cet épisode, la vision pétillante et délurée du futur par Luc Besson, qui doit énormément aux costumes de l’un des plus grands créateurs de mode au monde : Jean-Paul Gaultier.
Par Julien Dupuy
La muse cinéma
C’est en voyant à 13 ans la comédie dramatique Falbalas, que le jeune Jean-Paul Gaultier découvre sa vocation : c’est décidé, il sera grand couturier, à l’image de Philippe Clarence, le personnage joué par Raymond Rouleau dans ce film de Jacques Becker.
Devenu l’enfant terrible de la mode française dans les années 1980, Gaultier n’oubliera jamais ce choc séminal : si le monde du cinéma continue de l’inspirer (citons les tenues que porte Marlon Brando dans Sur les quais d’Elia Kazan), il lui prête volontiers ses talents.
Dès les années 1990, on retrouve son nom aux génériques du Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway, de Kika de Pedro Almodovar (la robe qu’il crée pour Victoria Abril vaut d’ailleurs à l’affiche du film d’être censurée), ou encore de La Cité des enfants perdus. Ce dernier film offre un exemple édifiant de l’implication de Gaultier : alors qu’il montre ses projets au coréalisateur du film, Jean-Pierre Jeunet, ce dernier s’inquiète que les matériaux choisis ne soient trop onéreux pour leur budget. Et Gaultier de lui répondre : « Ne t’inquiète pas, je paierai moi-même pour les obtenir »!
Made in France
Lorsqu’il est lancé en production, Le Cinquième Élément est le plus gros budget du cinéma français, avec un investissement de la Gaumont estimé à 80 millions de dollars. Le film s’impose donc d’office comme un émissaire de tout un pan de la culture tricolore : c’est l’occasion pour Besson de rappeler au monde entier l’importance des créateurs français dans la science-fiction, en invitant les dessinateurs Mœbius et Jean-Claude Mézières à designer une partie du monde futuriste.
Quant au rayonnement de la mode française, elle est représentée par Jean-Paul Gaultier qui assure, avec ce blockbuster, le projet cinématographique le plus important de sa carrière.
Un chiffre donne à lui seul le vertige : certaines scènes nécessitent de costumer 500 figurants ! L’enjeu est d’autant plus intimidant, que Gaultier insiste pour superviser lui-même la tenue de chaque personne présente à l’écran.
Sexy, drôle et coloré
Alors que cette star de la mode est le seul maître à bord durant la création de ses défilés, Gaultier doit se fondre dans la direction artistique globale du film. En l’occurrence, Besson s’inscrit en faux vis-à-vis des dystopies qui dominent la science-fiction cinématographique : sa vision du futur sera drôle et colorée.
Cette directive en tête, Gaultier pose les bases de son travail à l’aide d’une centaine de dessins. Au final, son travail tient autant du steam-punk, que de la lingerie sado-maso, tout en proposant des matériaux qui évoquent des technologies futuristes.
Pour le personnage de Korben Dallas, interprété par Bruce Willis, il opte pour une tenue qui met en valeur la corpulence de la star. Gaultier est particulièrement fier du haut orange que porte le personnage, déclarant lors de la sortie du film que « mon marcel pour Willis est plus sexy que celui qu’il porte dans Piège de cristal ! »
Le grand méchant du film porte pour sa part une tenue élégante qui évoque les uniformes de certains dictateurs, respectant la description du personnage dans le scénario : « un nouveau riche, dandy avec une touche d’Hitler. » Le personnage le plus proche de l’univers de Gaultier reste Ruby Rhod, l’animateur radio surexcité, joué par Chris Tucker. Cette fois, le couturier s’inspire de stars de la musique, en mélangeant les looks de Lenny Kravitz et de Prince.
Cycle inspirant
C’est évidemment Leeloo, interprétée par une toute jeune Milla Jovovich (19 ans), qui mobilise tous les efforts de Jean-Paul Gaultier, d’autant que les tenues du personnage doivent évoluer drastiquement au cours du récit, afin de refléter son parcours.
Pour la scène de la création de cet être stellaire, Besson souhaite que Leeloo soit comme nue, pour souligner sa pureté et sa fragilité. Gaultier imagine alors que les bandelettes nécessaires à cette délicate opération forment des sous-vêtements qui ne cachent pas grand chose de son anatomie.
Et quand le caractère guerrier de Leeloo se révèle, Gaultier lui propose un costume plus habillé, plus souple et qui, dans ses textures comme dans certaines de ses formes, évoque une armure. Ce costume pose néanmoins de sérieux soucis à l’équipe : les bretelles oranges que porte Leeloo ont une fâcheuse tendance à tomber en pleine prise. Il faut donc que, chaque matin du tournage, Gaultier et son équipe les cousent sur le crop-top blanc que porte la comédienne.
Au final, ces deux costumes, sans réels équivalents dans la science-fiction cinématographique, feront date. Et, surtout, ils inspireront à leur tour plusieurs créateurs de mode, à commencer par Alexander McQueen et Jeremy Scott qui, comme Gaultier devant Falbalas, trouveront dans Le Cinquième Élément de quoi nourrir leur créativité.
Pour aller plus loin
- Les tests filmés de Milla Jovovich, portant les costumes de Leeloo.
- L’équipe de Costume Squad, spécialiste du cosplay, vous explique dans cette vidéo comment reproduire le second costume de Leeloo (en anglais non sous-titré).
- Ynotec, alias Eva et François, décortiquent les costumes marquants du cinéma sur leur chaine YouTube. Bien entendu, un épisode est consacré au Cinquième Élément.
- Invité de France Culture à l’occasion de « Cinémode », l’exposition qu’il a créée à la Cinémathèque Française en 2021, Jean-Paul Gaultier raconte son rapport au cinéma dans ce long entretien.
- Si vous n’avez pas pu voir « Cinémode », vous pouvez vous rattraper avec le catalogue de l’exposition. Les premières pages du livre sont consultables juste ici.
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