Houria, l'émancipation et la résilience par la danse
À Alger, vingt ans après la guerre civile, Houria est une jeune et talentueuse danseuse classique. La nuit tombée, elle brave l’insécurité de la ville et participe à des paris clandestins. Un soir, elle est victime d’une violente agression. Ses rêves de carrière s’envolent et c’est un long chemin vers la reconstruction qui commence.
De Papicha à Houria, un cinéma d’espoir et de résistance
Après Papicha en 2019, récompensé du César du meilleur premier film, Mounia Meddour continue de prôner l’espoir et la résistance à travers le cinéma avec Houria, son second long-métrage. Avec l’excellente Lyna Khoudri dans le rôle d’une héroïne modèle de résistance dans Papicha et de résilience dans Houria, la cinéaste dépeint le quotidien de femmes en Algérie dans les années 1990 et de nos jours. L’intrigue de Papicha se déroule pendant la guerre civile qui a ravagé le pays pendant toute une décennie. On y suit Nedjma, étudiante en français, rêvant de devenir styliste. Alors que les groupes islamistes cherchent à imposer le port du voile aux femmes, Nedjma et ses amies n’ont qu’une idée en tête : organiser un défilé de mode.
Les deux premiers films de Mounia Meddour sont profondément liés. Papicha, outre son rôle pour la mémoire collective, dresse le portrait fictionnel d’une héroïne qui lutte pour une vie meilleure, refusant le carcan qu’on lui impose. Houria, dépeint une Algérie qui subit encore les séquelles d’une violence dévastatrice, vingt ans après la guerre civile. En racontant l’histoire d’Houria, à qui l’on a brisé les ailes, Mounia Meddour continue d’inciter à ne pas fermer les yeux sur le passé, pour mieux agir au présent.
La danse comme langage universel
À la suite d’une violente agression par un ex-terroriste islamiste, Houria se réveille à l’hôpital et voit ses rêves de devenir ballerine s’envoler. Après avoir travaillé d’arrache-pied pour plier son corps à la rigueur de la danse classique, elle va devoir réapprendre à bouger, à marcher et à vivre. Langage universel, la danse est bien souvent l’instrument d’une profonde résilience, au cinéma comme dans la vie. Dans Houria, la danse est l’élan qui pousse l’héroïne à se réinventer, à la fois d’un point de vue artistique mais aussi dans sa manière de s’exprimer. En effet, suite au traumatisme qu’elle a vécu, Houria devient muette : la danse est alors, plus que jamais, son exutoire.
C’est à travers la dimension instinctive et tribale qui caractérise la danse contemporaine que le personnage d’Houria va, peu à peu, se reconstruire. Au contact d’un groupe de femmes meurtries, en convalescence, elle va retrouver le goût de danser et surtout l’utiliser pour s’émanciper. Comme dans Papicha, l’idée d’un collectif féminin qui se soulève contre le patriarcat algérien est très forte et s’exprime à travers un projet artistique : un défilé dans Papicha, un spectacle dans Houria. Mounia Meddour filme la danse et la sororité avec beaucoup de poésie, associant ainsi l’expression artistique à la nécessité de survivre.
Lutter pour rester, partir pour survivre
Aussi inspirant que déchirant, Houria est le portrait du mal-être d’une jeunesse qui se bat. Essentiellement féminins, les personnages aspirent à une vie meilleure en Algérie ou ailleurs. Houria travaille comme femme de ménage et parie sur des combats de béliers pour aider sa mère Sabrina (Rachida Brakni), professeure de ballet le jour, danseuse la nuit. Malgré le danger mortel, Sonia (Amira Hilda Douaouda), sa meilleure amie, se résigne à quitter l'Algérie en traversant clandestinement la Méditerranée, guidée par un profond désir de liberté.
Partir dans l'espoir d'une vie meilleure ou rester et lutter pour faire entendre sa voix ? Quels que soient leurs choix, le destin des personnages d’Houria illustre une génération déchirée entre l’attachement à une culture qui est la sienne et un pays qui ferme les yeux sur les crimes du passé et sur l’insécurité des femmes.
Avec Houria ("liberté" en arabe), Mounia Meddour signe un film aussi solaire qu'encré dans le réel, sur une héroïne forte et inspirante, brillamment incarnée par Lyna Khoudri.
Marie Serale | @marie_serale