Partir un jour : les rêves qu’on poursuit, les chansons qu’on aime

© Copyright 2025 Topshot Films – Les Films du Worso – Pathé Films – France 3 Cinéma

Date de publication : 15.05.25

Pour la toute première fois de son histoire, le Festival de Cannes a sélectionné un premier long-métrage pour son ouverture. Il s’agit de Partir un jour, un film musical d’Amélie Bonnin, qui est aussi le développement de son court-métrage du même nom, récompensé d’un César en 2023. À la manière d’On connaît la chanson d’Alain Resnais, Partir un jour ponctue son récit de tubes de la variété française. Retour sur une histoire d’amours et de rêves, à mi-chemin entre le jukebox musical et le karaoké.

Rendez-vous dans une autre vie

Comme l’annonce l’un des personnages du film avec humour, Partir un jour nous plonge dans une sorte de faille temporelle. Alors qu’elle est sur le point de réaliser son rêve en ouvrant son restaurant gastronomique à Paris, Cécile (Juliette Armanet), l’héroïne du film, retourne dans le village de son enfance à la suite de l’infarctus de son père. Amélie Bonnin continue d’explorer ce qui était le sujet central de son court-métrage : que laisse-t-on derrière soi lorsque l’on s’éloigne de ses racines ? Lorsqu’elle retrouve son Loir-et-Cher natal, Cécile est partagée entre le sentiment que rien n’a changé et l’évidence du temps qui passe. Alors qu’elle retrouve ses parents, leur restaurant routier, ses amis d’enfance et puis Raphaël (Bastien Bouillon), son amour de jeunesse, les souvenirs refont surface et la bouleversent.

Pour son premier long-métrage, Amélie Bonnin retrouve Juliette Armanet et Bastien Bouillon, déjà réunis dans son court-métrage, dont ce film prolonge l’histoire en miroir. Ce duo ne manque pas de nous faire tomber sous le charme une seconde fois, tant la complicité et la tendresse entre les deux acteurs irradient à l’écran. Partir un jour nous présente aussi une héroïne d’une quarantaine d’années qui questionne son non-désir d’enfant, mais aussi ses choix de vie, avant de réaliser son rêve. En écartant l’idée d’un chemin tout tracé et de l’âge comme une limite, ce personnage renouvelle, à sa manière, les représentations féminines au cinéma. Partir un jour souligne la beauté d’avoir le cœur en émoi à toutes les périodes de sa vie et pas seulement lorsqu’on vit une histoire d’amour. Car comme l’a déclaré Amélie Bonnin après avoir reçu le César du meilleur court-métrage de fiction en 2023 : « On peut être une femme, avoir presque 40 ans, avoir des cheveux blancs et sentir qu’on est au commencement des choses. »

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Vibrer et chanter ensemble

Dans Partir un jour, la nostalgie et les non-dits s’expriment en chansons, à travers des tubes de Dalida, K-maro, Claude Nougaro, Céline Dion et bien sûr des 2Be3. Les paroles familières surgissent au détour d’une conversation, puis la musique résonne et s’arrête même parfois brusquement, car l’heure est plus à la vie qu’à la chanson. Amélie Bonnin s’amuse avec les codes de la comédie musicale en dispersant çà et là quelques notes de musique, un couplet ou un refrain, d’une manière qui paraît presque spontanée et intuitive. Sans chercher la perfection ou la performance musicale, les comédiens jouent et chantent sur le plateau, car c’est en musique que les personnages du film racontent leurs histoires. Ainsi, on écoute avec délice Juliette Armanet chanter Le Loir-et-Cher de Michel Delpech en mangeant de la friture de poisson ou Bastien Bouillon entonner Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion à la suite d’une partie de Time’s Up.

La construction du récit autour de ces tubes intergénérationnels met aussi en lumière l’un des grands thèmes du film : les liens humains. Partir un jour s’intéresse aux chemins de vie, aux choix qu’on fait et à ceux qu’on ne fait pas, mais aussi à la façon dont ses personnages tissent des liens et se rassemblent. Que ce soit dans sa représentation d’une relation père-fille, d’un amour jamais avoué ou d’une sororité salvatrice, Amélie Bonnin choisit des mots qui interrogent et qui apaisent. L’histoire qu’elle met en scène trouve un équilibre maîtrisé entre pur plaisir de fiction et vérité, avec beaucoup de tendresse et de générosité. En 1996, les 2Be3 chantaient « Partir un jour, sans retour ». En 2025, on attend déjà avec impatience le retour d’un projet d’Amélie Bonnin.

 

Marie Serale | @marie_srl

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