DAVID FINCHER, la perversion à la perfection
Explorez le cinéma selon vos préférences
Découvrez la toute nouvelle expérience dédiée aux passionnés de cinéma : un moteur de recherche intelligent, des expériences exclusives, des contenus inédits et personnalisés.
Créez gratuitement votre compte pour bénéficier des Privilèges We Love Cinéma!
“Je pense que les gens sont des pervers.”
Prononcée par David Fincher dans le making-of du film Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011), cette phrase peut sembler des plus péremptoires. Mais quand on est le réalisateur de Seven, Fight Club, The Social Network et de plusieurs épisodes des séries Mindhunter et House of Cards, on peut se permettre d’être catégorique sur le sujet. Il faut dire que le thème de la perversion traverse la filmographie du réalisateur américain tel un fil rouge qui creuse son sillon un peu plus que le temps avance. S’il n’a pas toujours la même évidence - des fois au centre de l’intrigue, d’autres fois discrètement en sous-texte - ce thème est, comme le précise Fincher, “la fondation même de [sa] carrière”.
L’action de corrompre
Avant tout, revenons à la définition même du mot. Selon le Larousse, la “perversion” est “l’action de corrompre, de changer en mal. Une déviation des tendances normales”. Une description qui est le cœur même de l’intrigue de Seven, où John Doe, joué par Kevin Spacey, met justement à jour les sept péchés capitaux qui corrompent les hommes. Dans Fight Club, la perversion vient de Tyler Durden (Brad Pitt), qui l’utilise comme la promesse d’une libération du consumérisme. Même dans Alien 3 (1992), le premier long-métrage renié du réalisateur, la question de la perversion est déjà présente, et Ripley (Sigourney Weaver) en est sa représentante. En tant qu’étrangère et en tant que femme, elle est bien avant le Xénomorphe le premier élément perturbateur du pénitencier de la planète Fiorinia, et de ses détenus galvanisés par la religion.
Détruire quelque chose de beau
Mais ce qui semble fasciner Fincher n’est pas seulement le thème de la perversion, mais plutôt ses victimes. Il prend ainsi un malin plaisir à torturer des protagonistes principaux apparemment purs, nobles et innocents, et à les voir basculer et s’abandonner à leurs sombres penchants. On peut penser à la scène finale de Seven, qui voit Mills (Brad Pitt) céder à la colère, à la lente détérioration morale du personnage de Robert (Jake Gyllenhaal) dans Zodiac (2007), ou encore à la corruption des relations entre Mark Zuckerberg (Jesse Eisenberg) et Eduardo Saverin (Andrew Garfield) dans The Social Network (2010), à cause d’une envie de pouvoir et d’un égo blessé. Loin de l’amour de la perversion pour la perversion, c’est la lente descente aux enfers de personnages purs qui fascine un David Fincher cynique. Le réalisateur semble prendre comme devise les mots d’Edward Norton dans une scène fameuse de Fight Club : il a juste “envie de détruire quelque chose de beau”.
Des marginaux aux élites
Un autre sous-texte de cette perversion, plus politique, se dessine depuis une dizaine d’années. Pendant une bonne partie de la carrière de Fincher, les incarnations de cette corruption ont été des personnages marginaux : prisonniers, tueurs en séries, nihilistes… Mais dans The Social Network en 2010, ce sous-texte bascule. La perversion vient d’un petit génie de Harvard, et du nouveau monde qu’il crée alors : celui des réseaux sociaux. Dès lors, dans la carrière du réalisateur américain, la perversion ne sera plus incarnée par des personnages immoraux, mais par ceux que la société considère apparemment plus nobles. Une famille aristocrate dans Millenium : Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes (2011), les institutions politiques et leurs représentants dans House of Cards (2013), un riche couple bien sous tous rapports dans Gone Girl (2014) ou encore Hollywood et ses producteurs dans Mank (2020). Certains pourront voir dans cette évolution thématique une réponse à la perte de confiance générale dans les élites et les hautes sphères, provoquée en partie par la crise financière de 2008 ou plus récemment l’affaire Weinstein et ses conséquences.
Mais ne nous voilons pas la face. Comme l’a montré David Fincher depuis 30 ans, que nous soyons tueur en série, petit génie de l’informatique ou simple utilisateur de réseaux sociaux, nous sommes tous l’incarnation d’une perversion dissimulée. Et comme le réalisateur l’a toujours clamé, sans distinction : “les gens sont des pervers”.
Par Thibaud Gomès-Léal
Explorez le cinéma selon vos préférences
Découvrez la toute nouvelle expérience dédiée aux passionnés de cinéma : un moteur de recherche intelligent, des expériences exclusives, des contenus inédits et personnalisés.
Créez gratuitement votre compte pour bénéficier des Privilèges We Love Cinéma!