Quentin Tarantino, ou le cinéma de la mémoire collective
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Depuis son éclosion au début des années 90, Quentin Tarantino est l’un des auteurs les plus singuliers et passionnants de sa génération, notamment par son traitement décomplexé du genre, des codes et des références. De Reservoir Dogs (1992) à Once upon a time in Hollywood (2019), le réalisateur américain a ainsi construit une filmographie qui évoque, qui reprend, qui fait écho… et qui fait rimer. Oui, comme un poète. Explications.
Une tapisserie de cinéma
Quentin Tarantino le dit lui même : “Quand les gens me demandent si j’ai fait une école de cinéma, je leur réponds “Non : je suis allé au cinéma”. Un apprentissage du métier empirique et passionnel, construit dès son enfance. Il enchaînait alors les escapades dans les salles obscures avec son beau-père Curtis Zastoupil. Sa mère Connie le laissait même voir des films bien trop matures pour son âge : Délivrance de John Boorman (1972) ou Les Trois visages de la peur de Mario Bava (1963) ont fait très tôt son éducation. Le genre d’expériences précoces qui fixent au fond d’une rétine des images, des sons, des codes, et des références qui vont composer toute la tapisserie de son cinéma.
Une poésie d’images et de sons
Quentin Tarantino aime invoquer son panthéon cinéphilique dans ses longs-métrages. Mais là où il impressionne, c’est dans sa capacité à transcender et réactualiser intimement les emprunts qu’il fait. La scène de Janet Leigh en voiture dans Psychose d’Alfred Hitchcock (1960), se voit reprise avec Bruce Willis dans Pulp Fiction (1994) et adjointe d’un accident jubilatoire comme pour assouvir un fantasme de spectateur. Quand le générique d’ouverture de Jackie Brown (1997) évoque celui du Lauréat (1967), c’est pour mieux bouleverser le sens de la séquence, en remplaçant le timide Dustin Hoffman par l’impressionnante Pam Grier. Enfin, quand il s’attaque au film de braquage dans Reservoir Dogs, le cinéaste prend le contre-pied du genre : il se passe du braquage en lui-même (un comble !), pour mieux se concentrer sur ses personnages.
Les films de Quentin Tarantino sont cette combinaison de fragments de cinéma qui font écho à notre mémoire collective : du plan d’ouverture de La Prisonnière du désert (1956) repris dans Kill Bill (2003) et Inglourious Basterds (2009), aux artefacts de pellicules de Boulevard de la mort (2007). À travers les décennies, ces images vont alors discuter, résonner et rimer. Le réalisateur fait ainsi le même travail que les poètes jouant avec les vers et les figures de style. La poésie n’est-elle justement pas “l’art de suggérer des sensations, des impressions et les émotions les plus vives par l’union intense des sons, des rythmes et des harmonies” ? S’il évoque, Tarantino le fait non pas par des mots comme en littérature, mais bien par des images et des sons. Une poésie de cinéma, en quelque sorte.
Un cinéma d’enfant triste
Une autre facette essentielle du cinéma de “QT”, souvent jugée futile, est la dimension festive, réjouissante et divertissante de ses films. Le cinéma de Tarantino est aussi et surtout un cinéma du plaisir. De la violence jubilatoire, une séquence musicale grisante, ou d’une image simplement esthétique… Un plaisir de spectateurs bien sûr, mais aussi pour le cinéaste, qui semble à chaque film piocher dans sa grande malle à jouets et à souvenirs, pour assembler une nouvelle histoire bien à lui. Le cinéaste est sans doute un peu resté cet enfant biberonné aux films par son beau-père et sa mère. Dans son dernier, Once upon a time in Hollywood, cette logique est même poussée plus loin : le cinéaste ne se content pas de refaire les films et la télévision de son enfance, il entreprend de réécrire l’Histoire (avec un grand H) elle-même, offrant un nouveau destin à Sharon Tate et ses amis. Le film y gagne une mélancolie inédite chez lui, celle d’un enfant - triste cette fois - qui semble vouloir réparer les drames du passé grâce au 7e art.
Mi-poète, mi-enfant triste, Quentin Tarantino est un cinéaste qui sublime autant qu’il regrette. En moins de dix longs-métrages, le réalisateur américain a remis un coup de projecteur bienvenu sur des films, des talents et toute une histoire méconnue du cinéma. Il a aussi construit une filmographie du souvenir et de la nostalgie décomplexée. Pour nous dire, peut-être, que de nos souvenirs viennent les meilleures histoires
Par Thibaud Gomès-Léal
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