Les enfants vont bien : l’écho de l’absence
Date de publication : 03.12.25
Reconstruire une famille
Un soir d’été, Suzanne (Juliette Armanet), accompagnée de ses deux jeunes enfants (Manoâ Varvat et Nina Birman), arrive chez sa sœur Jeanne (Camille Cottin). Point de départ du long-métrage de Nathan Ambrosioni, cette visite est loin d’être aussi spontanée et anodine qu’elle en a l’air. Pour nous, spectateurs, les indices se cachent dans les regards silencieux et dans les mots fuyants, à l’instant où les deux sœurs se retrouvent et s’étreignent. Suzanne semble absente à elle-même et Jeanne propose de prendre le temps d’en parler le lendemain. Si l’on dit que la nuit porte conseil, le matin ne tient pas toujours ses promesses. Lorsque Jeanne se réveille, sa sœur a disparu, ne laissant derrière elle qu’une lettre dans laquelle elle déclare lui confier ses deux enfants.
Au cours d’une vie, le départ d’une mère, quelle qu’en soit la raison, est un bouleversement semblable à un raz de marée. Dans Les enfants vont bien, Nathan Ambrosioni l’observe depuis le creux de la vague. Plutôt que d’expliquer le départ, il s’intéresse à l’absence, au vide qu’elle laisse et à la reconstruction de ceux qui restent. À travers une mise en scène tout en subtilité et des dialogues qui restent en tête, il nous raconte l’histoire de trois femmes, des chemins qu’elles empruntent, de leur rapport à la maternité ou de leur choix de ne pas avoir d’enfants, sans jamais les juger. Et puis, comme l’indique le titre, le film s’intéresse pleinement aux enfants, à leurs regards sur le changement brutal qui s’opère dans leurs vies, mais aussi à leurs droits et à leurs sentiments. En racontant cette reconstruction familiale, le cinéaste parvient à retranscrire toute la complexité des émotions, sans basculer vers le mélodrame. Dans Les enfants vont bien, la tristesse porte parfois le masque de la colère et la tendresse se lit dans l’indicible.
Faut-il comprendre pour se réparer ?
Que se passe-t-il lorsque les gens qu’on aime font des choix qu’on ne comprend pas ? Comment continuer d’avancer sans la certitude d’une explication ? En abordant le sujet, rarement évoqué à l’écran, de la disparition volontaire, Nathan Ambrosioni pose des questions qui peuvent résonner en chacun de nous. Les enfants vont bien éclaire aussi ce que peut cacher un geste radical, en évoquant la charge mentale maternelle, l’épuisement physique et émotionnel.
Pourtant, c’est en refusant d’ancrer la tension narrative de son récit dans l’espoir d’une révélation finale, que le cinéaste déploie toute la puissance de son scénario. Après le départ de Suzanne, Jeanne, Gaspard et Margaux, contraints de fonder un nouveau foyer, apprennent à se réparer mutuellement, avec le soutien précieux de Nicole (Monia Chokri). Le personnage de Jeanne, magnifiquement interprété par Camille Cottin, est bien plus qu’une mère de substitution. En quittant sa solitude pour vivre avec Gaspard et Margaux, elle va apprendre à se confronter à ses propres failles et à retrouver la lumière d’une tendresse inattendue. Ce lien qui se construit et se renforce peu à peu entre les enfants et Jeanne confère au film une véritable puissance consolatrice. Avec Les enfants vont bien, Nathan Ambrosioni affirme son regard de cinéaste, d’une sincérité frappante et d’une grande douceur, qui marque profondément.