ÉPISODE 11 – Les explosions dans Le Bon, la Brute et le Truand
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La scène : Pour stopper un combat sanguinaire entre les Nordistes et les Sudistes, deux crapules, Tuco et Blondin, détruisent un pont qui est au cœur des affrontements. Caché derrière des sacs de sable, le duo admire son œuvre : en quelques secondes, l’impressionnante construction a été réduite en un tas de débris fumant.
En collaboration avec le magazine Troiscouleurs, découvrez un métier du cinéma, en explorant les coulisses d’une scène culte. Cette fois, nous vous racontons comment la séquence la plus spectaculaire du film de Sergio Leone a été réalisée avec le concours de l’armée d’un dictateur.
_Par Julien Dupuy
Une dictature au service du cinéma
Le constat est effarant, il est pourtant indiscutable : le cinéma s’accommode très bien des dictatures. L’Espagne franquiste fut ainsi un lieu de tournage très prisé des grosses productions internationales. Alors que l’abominable Franco faisait régner la terreur sur le pays, Anthony Mann y filmait Le Cid, David Lean Lawrence d’Arabie et Joseph L. Mankiewicz Cléopâtre.
L’Espagne présente quantité d’avantages pour les tournages : la clémence de son climat et la grande variété de ses paysages permirent, par exemple, à Ray Harryhausen d’y reconstituer l’Extrême-Orient du 7e Voyage de Sinbad comme l’Ouest américain de La Vallée de Gwangi. Mais le régime de Franco offrait des avantages encore plus appréciables pour les producteurs : une main-d’œuvre très bon marché et une armée qui pouvait, moyennant quelques pesetas, prêter sa force de frappe aux tournages.
Ce sinistre El Dorado du cinéma devint aussi le lieu de tournage privilégié de toute une vague de films italiens, à commencer par des westerns, genre si populaire dans les années 1960, que les chefs décorateurs transalpins avaient construit une réplique de village de l’Ouest américain en Andalousie, à Almeria.
Les risques du métier
Le pape du western italien est incontestablement Sergio Leone. C’est lui qui a lancé le genre avec Pour une poignée de dollars. Ce sera une nouvelle fois lui qui en livrera les deux chefs-d’œuvre ultimes, avec le très postmoderne Il était une fois dans l’Ouest et son récit picaresque et anarchiste, Le Bon, la Brute et le Truand.
Or, ce dernier film a beau bénéficier d’un budget confortable, il utilise abondamment la main-d’œuvre locale et des méthodes de conception qui frôlent, parfois, l’amateurisme et présentent de sérieux dangers pour les comédiens.
C’est Eli Wallach, immortel interprète du truand Tuco qui en fait principalement les frais : il manque d’être empoisonné avec l’acide utilisé pour fragiliser un sac, échappe de peu à la décapitation quand sa tête frôle le marchepied d’un train en marche, et se retrouve attaché sur un cheval qui, effrayé par une explosion, part au galop à presque deux kilomètres du plateau !
Pour de vrai
Les tournages en Espagne confèrent aux westerns de Sergio Leone un indéniable surplus de réalisme. Ainsi, ce sont de jeunes conscrits de l’armée espagnole qui jouent les soldats dans le troisième acte du film.
Et le génial chef-décorateur de ces films, Carlos Simi, peut se permettre de construire ses décors comme on construit de véritables bâtiments : alors que les plateaux sont en général constitués de matériaux faciles à manier et peu onéreux comme le plâtre, la résine ou le polystyrène, les décors du Bon, la Brute et le Truand sont construits en dur, de façon authentique.
C’est le cas du pont au cœur d’une scène épique du troisième acte, qu’ont bâti les sapeurs de l’armée ibérique. Le chef artificier du film, Eros Bacciucchi, fidèle de Leone depuis Les Derniers Jours de Pompei, découvre ainsi que les trucages qu’il utilise usuellement ne pourront suffire.
Il va falloir créer une authentique destruction d’un authentique pont, là où tout est habituellement simulé. Les explosions de cinéma, à base de poudre noire et d’essence, sont plus spectaculaires que dangereuses. Et les éléments à détruire sont habituellement constitués de matériaux très légers, pour éviter tout accident lors de la projection des débris.
Ici, Bacciucchi doit utiliser des explosifs récupérés auprès de l’armée espagnole : il redoute que les effets de la déflagration mettent en péril l’équipe et qu’ils endommagent un monastère baroque, situé à plus de trois kilomètres du lieu de tournage !
Faire et défaire…
Faire appel à des amateurs en matière de cinéma se paie souvent au prix fort, surtout quand il s’agit de scènes aussi dangereuses qu’une explosion. Et Sergio Leone s’apprête à en faire les frais, lors du grand jour de la destruction du pont.
Douze caméras sont placées tout autour de la scène, pour la capter sous plusieurs angles, la plupart protégées par de grands panneaux de bois. Leone est au sommet des rives de l’Arlanza, où a été construit le pont sacrifié, tandis que Clint Eastwood et Eli Walach sont très près de l’explosion et doivent se cacher juste avant la déflagration derrière des sacs de sable.
Un détail va tout mettre en péril : sur son insistance, Leone et Carlos Simi acceptent que le capitaine de l’armée, qui leur a tant donné, ait l’honneur de lancer lui-même l’explosion. Mais ce dernier ignore tout des règles du cinéma et, sans que Leone ait clamé « Action ! », il donne le signal pour lancer la détonation, avant que l’équipe soit prête !
Heureusement, Wallach et Eastwood, méfiants, se sont cachés à temps. Mais quand la poussière se dissipe, le constat est effarant : aucune image de cette splendide destruction n’est imprimée sur pellicule.
Leone, pour une fois stoïque, invite son équipe à déjeuner, tandis que, tout penaud, le capitaine propose que ses hommes reconstruisent gracieusement le décor. Ce sera fait en seulement deux semaines, et la scène sera mise en boîte, tandis que le capitaine restera, cette fois, bien sagement dans son meilleur rôle, celui de spectateur.
Pour aller plus loin :
Nous ne saurions trop vous recommander le visionnage du documentaire Sad Hill Unearthed, qui raconte en parallèle l’histoire du tournage du Bon, la Brute et le Truand, et la restauration du cimetière du final du film par des fans. De nombreux conscrits de l’armée espagnole témoignent de leur expérience sur ce tournage.
Ce vidéaste a retrouvé la plupart des lieux de tournage du Bon, la Brute et le Truand.
Une masterclass (un peu triste) accordée par Sergio Leone à la Cinémathèque Française. Le modérateur de cet événement, Noël Simsolo, a signé un formidable livre d’entretiens avec le réalisateur, disponible aux éditions du Cahier du Cinéma.
Si vous aimez voir des explosions au cinéma, cette chaine YouTube est faite pour vous !
https://www.youtube.com/channel/UCsnvhpi9qzUSz3Jc_hClLcg
Et pour terminer, un tuto pour improviser, au piano, autour du thème légendaire d’Ennio Morricone.
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