Danny Boyle, 23 ans plus tard...

Dany Boyle sur le tournage de 28 ans plus tard ©Copyright Sony Pictures

Date de publication : 20.06.25

23 ans après l’immense succès de 28 jours plus tard, le réalisateur britannique Danny Boyle revient sur nos écrans avec une suite, 28 ans plus tard, premier film d’une future trilogie. Réunissant l’équipe créative derrière la conception du long-métrage original, cette suite promet une nouvelle fois de casser les codes du genre du film de zombies, genre qui a saturé tout le paysage audiovisuel après le succès retentissant de 28 jours plus tard. Cet évènement cinématographique majeur de l’année 2025 est l’occasion pour nous de décortiquer la carrière et le style de Danny Boyle, metteur en scène aux multiples facettes.

Casser les codes

Né à Radcliff, petite ville proche de Manchester, dans un milieu modeste et ouvrier, rien ne prédestinait Danny Boyle à faire carrière dans le cinéma. Le jour de ses dix ans, son père l’emmène voir son premier film, La bataille des Ardennes de Ken Annakin, qui le marque profondément.

Élevé dans la foi catholique, sa mère souhaite qu’il devienne prêtre, mais il refuse très vite ce chemin tout tracé pour faire des études d’anglais et de théâtre à l’université de Bangor au pays de Galles. Une fois diplômé, il fut engagé dans la compagnie londonienne de théâtre « Joint Stock » dans laquelle il débuta sa carrière. En 1982, il quitta cette compagnie afin de devenir metteur en scène pour le prestigieux Royal Court Theatre où il dirige cinq pièces pour la « Royal Shakespeare Company ». À la fin des années 1980, il est repéré par la BBC qui l’engage comme réalisateur pour des téléfilms. C’est finalement en 1995 qu’il se tourne naturellement vers le cinéma. Il s’entoure dès le départ, de collaborateurs avec qui il travaillera régulièrement, comme le scénariste John Hodge et le producteur Andrew Macdonald. Cette rencontre de trois jeunes gens du même âge et aux parcours similaires va créer une émulation générant le succès créatif de la première partie de carrière de Danny Boyle.

Leur collaboration démarre par le film Petits meurtres entre amis, thriller aux accents de vaudeville qui met en scène la lutte de trois amis pour une mystérieuse somme d’argent. Dès ce premier film, on retrouve une thématique chère à Danny Boyle : l’argent corrompt et révèle la nature profonde de l’homme. Ce film met également en lumière l’acteur Ewan McGregor, qui devient dès lors le comédien fétiche du réalisateur. Petits meurtres entre amis connait le plus grand succès de 1995 au box-office britannique et obtient même le BAFTA du meilleur film britannique. Pour un premier film, Danny Boyle ne pouvait rêver mieux, si bien qu’il se lance rapidement dans son nouveau projet, toujours assisté par la même équipe.

Pour ce second long-métrage, Hodge, Boyle et Macdonald souhaitent adapter le succès littéraire du romancier Irvine Welsh, « Trainspotting », relatant l’histoire tumultueuse de jeunes écossais héroïnomanes. Irvine Welsh accepte de céder les droits d’adaptation et participe même au tournage du film en faisant une petite apparition dans une scène.

Danny Boyle va pousser plus loin sa réalisation en proposant un film protéiforme, oscillant entre le réalisme cru quasi documentaire, le cauchemar surréaliste et le lyrisme poétique, en s’adaptant à chaque fois au contexte des scènes qu’il dirige. Dès sa sortie, Trainspotting fascine autant qu’il dérange. Certaines critiques lui reprochent même de faire l’éloge de la consommation d’héroïne. Danny Boyle s’en défend à la télévision, où il explique sa vision d’une jeunesse insouciante qui se croit invincible au point d’en devenir égoïste. Malgré la polémique, le film est encore une fois une réussite majeure, John Hodge remporte même le BAFTA du meilleur scénario adapté.

Ce nouveau succès ouvre en grand les portes d’Hollywood pour le réalisateur britannique et sa petite troupe. La 20th Century Fox finance leur projet suivant, une comédie romantique croisée avec un polard et imprégnée d’une mystique chrétienne, Une vie moins ordinaire. Deux anges luttent sur terre pour qu’un kidnappeur raté et sa victime tombent amoureux, sous peine de perdre définitivement leur place au paradis. Le ravisseur est une nouvelle fois interprété par Ewan McGregor, et la jeune fille enlevée par Cameron Diaz, tout juste auréolée par son succès dans le film The Mask. Malgré ce casting solide, le film est cette fois un échec tant sur le plan critique que commercial.

Dany Boyle sur le tournage de 28 ans plus tard ©Copyright Sony Pictures

Néanmoins, l’expérience hollywoodienne n’est pas terminée pour Danny Boyle, qui va être engagé pour réaliser l’adaptation du best-seller « La plage ». Pour l’occasion, il collabore à nouveau avec John Hodge pour l'écriture du scénario, mais ils seront cette fois-ci assistés par l’auteur lui-même, Alex Garland. Cette rencontre sera décisive pour la suite de la carrière du réalisateur, puisqu’Alex Garland va lui aussi faire partie de ses partenaires récurrents. Pourtant, l’expérience sur le film La plage se révèlera amère pour le metteur en scène. La Fox insiste pour que Danny Boyle engage Leonardo DiCaprio en tête d’affiche, puisqu’il est récemment devenu une super star pour son rôle dans Titanic de James Cameron en 1997.

L’arrivée de DiCaprio sur le projet signifie donc, de fait, l’éviction d’Ewan McGregor. Cet évènement entachera durablement la relation du réalisateur et de son acteur fétiche. Les deux hommes ne se parleront plus durant de nombreuses années. Le tournage en Thaïlande est énorme et éreintant pour Danny Boyle, qui subit même un accident de bateau choquant mais sans gravité. Malgré un succès au box-office mondial, le film est reçu de manière partagée par les critiques, qui soulignent tout de même des qualités de réalisation indéniables. Après ce projet dantesque, Danny Boyle souhaite rentrer en Angleterre au plus vite pour retrouver un peu de simplicité dans son processus créatif. C’est ainsi qu’il s’associe avec Alex Garland pour concevoir un scénario très ambitieux, mais qui pourrait être tourné de manière très simple. C’est de cette réflexion commune que naîtra 28 jours plus tard.

L’idée des deux hommes est de briser les codes du film de zombie en proposant des infectés enragés, rapides et vraiment dangereux. Danny Boyle décide aussi de filmer avec des caméras numériques afin d’accentuer le côté cru et réaliste du film. Il tourne 28 jours plus tard avec une canon XL1, une caméra numérique semi-professionnelle peu couteuse, et également une Canon XM1 caméra grand public utilisée à l’époque par de nombreux vacanciers pour leurs films de famille. Au-delà du choix esthétique et pratique, la philosophie du réalisateur est de proposer des films tournés simplement, afin qu’ils donnent envie à d’autres de devenir réalisateur. Il souhaite ainsi démystifier et décloisonner son travail.

Grace à ce dispositif inédit, l’équipe du film a pu tourner sans aucune autorisation dans des lieux emblématiques de Londres, en mode guérilla entre 4h et 6h du matin, proposant ainsi des séquences époustouflantes où le personnage principal déambule seul au cœur de la ville. Certaines de ces scènes ont tellement marquées les spectateurs qu’elles ont réapparues sur internet pendant la crise du Covid, comme pour illustrer l’avant-gardisme du film de Danny Boyle. 28 jours plus tard est également le film de la révélation pour l’acteur irlandais Cillian Murphy, qui interprète le rôle principal. 

Le long-métrage connait un véritable carton surprise et remporte plus de 84,6 millions de dollars au box-office mondial, pour un budget initial de 8 millions de dollars. Grâce à ce succès, une suite est rapidement mise en chantier par ses créateurs. Danny Boyle ne peut réaliser lui-même cette suite, 28 semaines plus tard, car il est occupé par son projet de science-fiction Sunshine. Il engage Juan Carlos Fresnadillo pour le remplacer, mais tourne tout de même une scène introductive époustouflante où le personnage principal, campé par Robert Carlyle, abandonne en courant sa famille par lâcheté.

Dans cette première partie de carrière, Danny Boyle n’a eu de cesse de casser les codes, en proposant des histoires centrées sur des paumés en quête de sens dans une société de plus en plus folle, mais aussi en cherchant continuellement à déstabiliser le spectateur par une réalisation peu académique.

Leonardo DiCaprio et Danny Boyle sur le tournage de La Plage © Copyright Figment Films

Argent et pouvoir ne font pas bon ménage

Pour son film suivant, Sunshine, il souhaite réaliser un projet de science-fiction doté d'un casting international, afin de véritablement symboliser l’union de tous les pays du monde pour sauver la Terre. Ainsi, il s’éloigne des visions habituellement très américano-centrées de ce type de production. Il s’inspire de l’horreur psychologique et de la philosophie d’œuvre comme Solaris du cinéaste russe Andreï Tarkovski. Une question éthique émane très rapidement de ce long-métrage : l’humanité mérite-t-elle vraiment d’être secourue ? Comme dans ses films précédents, Danny Boyle questionne la nature humaine sans toutefois se montrer trop pessimiste, préférant une conclusion douce/amère. Malgré la richesse et l’envergure de la proposition, le film ne rencontre pas son public. 

Danny Boyle ne connait pas un meilleur sort avec son projet suivant, Millions, un conte philosophique centré sur des enfants, questionnant notre rapport à la foi et l’argent, deux modèles de valeurs qui façonnent nos sociétés.

Toujours dans une thématique similaire, son film suivant est l’adaptation libre d’un roman de l’écrivain indien Vikash Swarup, « Les Fabuleuses Aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire », sorti en Angleterre en 2005. Le scénario est l’œuvre de Simon Beaufoy, auteur du déjà culte The Full Monty, qui signe ici sa première collaboration avec Danny Boyle. Slumdog Millionaire s’éloigne quelque peu de la noirceur du livre original, notamment en ce qui concerne son personnage principal qui a dans le film une personnalité plus lumineuse et positive. Malgré tout, le récit ne camoufle rien des conditions de vie difficiles au sein des bidonvilles et de la société indienne. Le long-métrage questionne une nouvelle fois l’instinct de survie, mais aussi les rapports malsains qu’entretiennent les gens vis-à-vis de l’argent et du pouvoir. Contrairement à son frère Salim, le personnage principal, Jamal, ne se laisse jamais corrompre malgré les obstacles qu’il rencontre, et ne cherche à remporter le jeu qui le rendra millionnaire que dans l’optique de retrouver son âme sœur Latika. À l’occasion de Slumdog Millionaire, Danny Boyle renoue avec la réalisation survoltée et crue qui a fait son succès. Il adopte une nouvelle fois un point de vue quasiment documentaire afin que le spectateur soit immergé au cœur des bidonvilles de Mumbay. 

Le film devient un succès colossal, remportant pas moins de 379 millions de dollars au box-office mondial. Il est aussi récompensé de huit statuettes à la cérémonie des Oscars et de cinq BAFTA en 2009. C’est une consécration pour Danny Boyle, qui est personnellement primé durant les deux cérémonies. 

Après cette réussite indiscutable, Danny Boyle est désormais totalement libre dans ses choix de projets. Il décide de continuer sur la même voie, à mi-chemin entre le film d’auteur et le cinéma grand public. Son film suivant est à lui seul symptomatique de cette voie empruntée avec constance par le réalisateur britannique. Il s’attèle encore une fois à porter sur les écrans un roman à succès, tiré d’une histoire vraie, toujours secondé par Simon Beaufoy. Seulement, le dispositif mis en place par le réalisateur prend encore à contre-pied les attentes de son public. Dans 127 heures, l’acteur James Franco interprète le rôle d’Aron Ralston, un alpiniste américain piégé dans un canyon, le bras coincé par un rocher. Ralston a passé 127 heures au milieu de nulle part, en se filmant délirant au fur et à mesure que le temps passait. Poussé par sa volonté de survivre, l’alpiniste a fini par se sectionner la main, avant d’être secouru par des randonneurs. 

L’idée ici pour Danny Boyle est de concevoir un film d’action dans lequel le personnage principal ne pourrait pas bouger. Il adopte pour ce faire, comme à son habitude, un style documentaire en utilisant une caméra numérique au plus près de son acteur. Boyle analyse encore les travers de l’âme humaine en s’attaquant cette fois à l’arrogance. Aron Ralston souhaite tester ses limites et la nature finit par le piéger à cause de sa suffisance. Avant son trek, il ne dit à aucun de ses proches où il se rend. Quand la nature le prend au piège, il remet en question son rapport aux autres et au monde, comme le démontre la conclusion du film. 

Après ce nouveau succès, le réalisateur anglais renoue avec son partenaire d’écriture de la première heure, John Hodge. Les deux hommes s’associent pour concevoir un thriller néo noir assez éloigné du style habituel du cinéaste. Trance, bien que particulièrement apprécié par la critique, ne trouve pas son public. Cependant, cette nouvelle collaboration entre les deux hommes fait émerger l’envie de proposer une suite à Trainspotting

127 hours © Copyright Pathé Distribution

Mais avant cela, Boyle est engagé par la Fox à la dernière minute pour réaliser le film Steve Jobs en remplacement de David Fincher. Il est donc, pour l’occasion, amené à travailler avec le scénariste américain Aaron Sorkin, reconnu pour sa manière si pointue de façonner les dialogues de ses scénarios. Le duo Fincher/Sorkin avait d’ailleurs connu un énorme succès en 2010 avec le film The Social Network, centré sur les origines de la création de Facebook ainsi que sur la personnalité égomaniaque de Mark Zuckerberg. Steve Jobs s’inscrit donc dans une même filiation, le scénariste cherchant désormais à analyser l’homme derrière le fondateur d’Apple. Loin d’être un biopic hollywoodien classique, le long-métrage montre l’envers des Keynotes, ces évènements spéciaux dédiés à la marque à la pomme. On nous présente un homme en coulisse, constamment en train d’affronter ses proches dont il s’éloigne peu à peu, corrompu par son égo et le pouvoir. Bien que n’ayant pas œuvré au processus créatif dès le départ de la production, Steve Jobs s’inscrit parfaitement dans la filmographie de Danny Boyle, puisqu’on y retrouve les thématiques chères au réalisateur britannique. 

Après cette parenthèse américaine, il est temps pour Danny Boyle de mettre sur pied son projet de suite à Trainspotting. Il s’est d’ailleurs réconcilié avec Ewan McGregor à la suite d’un vol entre Shanghai et Londres dans lequel ils se sont retrouvés tous les deux par hasard.

La troupe originelle de Trainspotting est donc reformée, avec John Hodge à l’écriture, Andrew Macdonald à la production, Danny Boyle derrière la caméra et même l’ensemble du casting. Pour autant, cette suite n’adapte pas vraiment « Porno », le roman d’Irvine Welsch faisant suite aux évènements de son premier ouvrage. Dans ce nouvel opus, Danny Boyle et John Hodge souhaitent questionner la masculinité à travers le temps qui passe. Le premier film se concentrait sur de jeunes hommes à peine sortis de l’enfance, qui sèment le chaos autour d’eux à cause de leur immaturité, tandis que la suite reprend les mêmes personnages alors qu’ils sont quadragénaires et désabusés. Cette fois, ils cherchent à retrouver cette insouciance et le frisson de leurs jeunes années.

Comme un clin d’œil au film culte de James Cameron Terminator 2, la suite de Trainspotting est nommé T2 Trainspotting. Le succès du film, même s’il reste modeste, pousse Danny Boyle à revenir vers ses projets passés pour les réinventer dans le présent.

Ainsi, après le Brexit et la crise du Covid, le réalisateur anglais et son scénariste Alex Garland se disent qu’il est temps de créer de nouveaux longs-métrages autour de 28 jours plus tard, afin d’y analyser en creux les évolutions de la société 23 ans après le premier film. L’idée derrière la suite, 28 ans plus tard, est de lancer une trilogie avec des budgets de Blockbuster. Danny Boyle revient pour l’occasion à la réalisation, Alex Garland à l’écriture et Cillian Murphy, acteur du premier film, à la production. Pour rester dans la droite lignée du premier tournage, cette suite a entièrement été filmée avec des iPhones 15 pro Max, retrouvant ainsi une certaine flexibilité et une accessibilité. Reste à voir désormais si cette proposition saura trouver sa place dans un paysage saturé par les films de zombies.

Danny Boyle est donc, tout simplement, un auteur dans sa plus pure expression. Influencé par le nouvel Hollywood, il trace son chemin à la frontière entre le film d’auteur et le blockbuster grand public. Auréolé de plusieurs énormes succès qui ont à eux seuls façonné la pop culture du début du XXIème siècle, le réalisateur ne s’est jamais laissé griser par le succès. Surtout, il ne s’est pas compromis en édulcorant ses thématiques ni son style survolté entre le documentaire et le cauchemar surréaliste. Comme une consécration ultime, c’est d’ailleurs lui qui fut choisi en 2012 pour mettre en scène la cérémonie d’ouverture des JO de Londres. À cette occasion, il a su présenter un parfait condensé de l’esprit British, sans oublier de faire un petit clin d’œil à la plus grande icône du cinéma anglais, James Bond. Ce réalisateur atypique est assurément le cinéaste britannique le plus influent de sa génération.

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