ÉPISODE 12 – Les géniales illusions d’optique de Charlie Chaplin
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La scène : Gardien de nuit d’un grand magasin, Charlot invite « La Gamine » à s’amuser au rayon jouets, situé au dernier étage du bâtiment. Le couple enfile des patins à roulettes et Charlot, totalement inconscient du danger, patine, les yeux bandés, au bord d’une cage d’escalier dénuée de rambarde. Une séquence de patinage à la fois hilarante et effrayante.
En collaboration avec le magazine Troiscouleurs, découvrez un métier du cinéma, en explorant les coulisses d’une scène culte. Dans cet épisode, Charlie Chaplin prouve une fois de plus qu’il est le roi de la comédie, et un maître en matière de trucages optiques.
_Par Julien Dupuy
Gags et astuces
Héritiers directs des premiers « films à trucs » qu’affectionnaient tant les forains au tout début du XXe siècle, les réalisateurs des comédies burlesques du muet utilisaient abondamment les trucages pour proposer des gags toujours plus surprenants.
Et à ce titre, Charlie Chaplin peut-être considéré comme l’un des premiers réalisateurs à effets spéciaux : La Ruée vers l’or est par exemple un festival en la matière avec, notamment, une admirable utilisation de miniatures animées pour la séquence de la cabane perchée au bord d’un gouffre.
Mais c’est avec un autre de ses chefs-d’œuvre, Les Temps Modernes (1936), que le réalisateur va atteindre des sommets d’excellence technique. La séquence mythique durant laquelle Charlot est englouti dans des engrenages en est la preuve parfaite, puisqu’elle est un mélange de trucages mécaniques, avec des rouages construits en bois et mousse, et d’effets visuels, la pellicule défilant à l’envers durant les circonvolutions les plus spectaculaires du personnage. Mais l’utilisation des effets spéciaux dans Les Temps Modernes est parfois nettement plus discrète.
Le verre plein
Chaplin n’est pas Buster Keaton : si ses performances physiques sont admirables et l’inventivité de ses pantomimes époustouflante, il refuse de se mettre en danger, au contraire de « L’Homme qui ne rit jamais ». En l’occurrence dans la scène du grand magasin qui requiert à elle seule huit jours de tournage, Chaplin a recours à un effet spécial optique déjà copieusement utilisé à l’époque : la peinture sur verre.
Inventée en 1907 par Norman Dawn (probablement suite à une discussion avec notre Georges Méliès national), la peinture sur verre consiste à concevoir un complément de décor en trompe-l’œil, sur une vitre placée à quelques centimètres de la caméra. En observant dans l’œilleton de la caméra, ces peintres d’exception parviennent à créer des raccords invisibles entre la portion réelle de l’image et leur peinture.
Dans Les Temps Modernes, c’est la bordure du gouffre qui signale la limite entre le vrai décor, construit de plain-pied et le trompe-l’œil représentant les niveaux inférieurs du grand magasin. Le nom du peintre responsable de cet exploit reste un mystère (les génériques, à cette époque, sont très incomplets), mais il est probable que le trucage ait été mis en place par la toute première compagnie d’effets spéciaux au monde, le Frank Williams Studio.
Frank Williams était un des directeurs de la photographie favoris de Chaplin (il fait même une apparition devant la caméra dans Charlot Nudiste), et il avait pu montrer l’étendue de son savoir-faire dix ans auparavant, avec les hallucinants effets spéciaux de L’Aurore de F.W. Murnau.
Cache, cache
Très lourde et chronophage, la peinture sur verre est déjà en passe de disparaître lors du tournage des Temps Modernes. On lui préfère déjà à l’époque la peinture à cache (ou matte painting en anglais). Le principe reste le même, seule la méthode change.
Au lieu de créer le trompe-l’œil directement sur le plateau, on conçoit le plan truqué en deux temps. Lors du tournage, on masque la section qui sera peinte, de façon à n’imprimer que partiellement la pellicule. Plus tard, dans son studio, le peintre projette un photogramme du plan capté sur une grande plaque de verre, et peint le complément d’image. Son travail terminé, la pellicule est de nouveau imprimée, mais cette fois en cachant la section filmée et en ne révélant que la section peinte.
Permettant de résoudre quantité de soucis de production à une époque où les caméras étaient très peu mobiles, la peinture à cache est abondamment exploitée dans les années 1930 : outre les superproductions à effets spéciaux comme King Kong ou Le Magicien d’Oz, on en retrouve un nombre considérable dans Citizen Kane ou Autant en emporte le vent.
Une nouvelle voix
Si Chaplin est déjà familier des peintures sur verre à l’époque des Temps Modernes, ce film est son premier pas dans une toute nouvelle ère du cinéma : le parlant. C’est en effet la première fois qu’il ose mettre du son sur les aventures de Charlot, même s’il refuse que son héros fétiche parle, craignant de briser la magie de cette icône du cinéma.
Même si elle ne concerne qu’une seule séquence, l’utilisation du son a un impact important sur Les Temps Modernes. Car en se convertissant au parlant, le cinéma change de standard : il passe de 18 à 24 images filmées et projetées par seconde. Chaplin continue pourtant à tourner la plupart des scènes des Temps Modernes à 18 images par seconde, ce qui accélère d’autant les mouvements de ses personnages lors de la projection. La séquence du grand magasin devient de ce fait encore plus frénétique, et le patinage de Charlot au bord du gouffre encore plus périlleux !
Pour aller plus loin
Le site de référence sur les peintures sur verre et à cache : un travail titanesque, bourré d’infos inédites (site en anglais).
http://nzpetesmatteshot.blogspot.com/
La page consacrée aux Temps Modernes sur le site officiel de Charlie Chaplin (site en anglais).
https://www.charliechaplin.com/en/articles/6-Filming-Modern-Times
Nous vous parlerons forcément un jour des peintures numériques, la toute dernière génération des peintures sur verre et à cache. En attendant, un aperçu de ce qu’il est possible de faire aujourd’hui, avec cette bande démo de la société française Mikros Image.
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