Les Gouttes de Dieu : une série qui va vous enivrer
Sur le papier, on ne pouvait imaginer plus opposé que le monde du vin et de l'œnologie et celui du pays du Soleil-Levant et du saké. Pourtant, les 44 tomes des Gouttes de Dieu sont là pour prouver le contraire. Dès sa parution en 2004, le manga de Tadashi Agi et de Shu Okimoto fut un véritable phénomène de société au Japon et même au-delà, puisqu'il a été vendu à ce jour à plus de 15 millions d'exemplaires dans le monde. L'influence des Gouttes de Dieu fut telle que les ventes des vins cités dans l'histoire s'envolaient à chaque parution au point d'en faire un véritable prescripteur. C'est dire si l'adaptation en une mini-série de 8 épisodes pour Apple TV+ est particulièrement attendue.
Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse
Comme le veut l'adage : "adapter, c'est trahir", et ce n'est pas le scénariste de la série, Quoc Dang Tran, qui dirait le contraire. Comme il l'expliquait au micro de France Info : "On ne construit pas un manga comme on construit une série". Que les lecteurs du manga ne soient donc pas trop déroutés de découvrir les libertés prises avec l'histoire qu'ils connaissent pourtant bien.
Les Gouttes de Dieu version télé garde l’arôme des maga et ses qualités didactiques. Mais s’est aussi déplacée du Japon vers la France et l’Italie, et le héros est désormais une héroïne. Simplification oblige, la série se concentre maintenant sur les conséquences de la mort d'Alexandre Léger, figure tutélaire de l'œnologie. Ce dernier, ayant organisé un duel œnologique en trois phases entre son fils spirituel et sa fille, pour obtenir son héritage. Ces choix radicaux, le scénariste les revendique pleinement, comme il l'expliquait au CNC : "C'est une gageure d'adapter un manga, ou une BD. Et l'erreur à ne pas commettre, c'est justement de rester 100 % fidèle au matériau original. Pourquoi l'adapter sinon ?".
À déguster sans modération
La série n'en demeure pas moins aussi passionnante que les mangas, juste plus resserrée et européenne. Elle réussit, à la manière du Jeu de la Dame qui nous captivait sur des parties d'échecs absconses pour les néophytes, à chatouiller nos papilles, stimuler nos sinus tout en nous faisant croire que nous avons un verre en main. Série sur/de la transmission, Les Gouttes de Dieu nous enthousiasme pour l'œnologie, la passion du vin et nous met littéralement bordeaux et bourgogne en bouche.
Mais outre son indéniable originalité, Les Gouttes de Dieu captive également par la créativité de sa réalisation qui parvient à retranscrire parfaitement certaines idées graphiques propres aux mangas tout en y insufflant une dose d’ironie, bien à propos. Il faut dire que cette série, qui réussit à nous tenir en haleine aussi bien sur du céleri-rave que sur la différence qu’il y a entre un millésime 1999 et 2000, est en filigrane une passionnante réflexion sur la filiation, mais également une réflexion ironique sur les différences culturelles entre le Japon et l’Occident.
Tomohisa Yamashita, qui incarne le fameux fils spirituel, avouait à ce propos au Figaro : « J’étais très surpris d'apprendre que la France était le deuxième plus grand marché au monde de manga après le Japon. Je sais qu'il y a un amour de la gastronomie en France qu'on partage également, donc finalement, je pense qu'on a beaucoup de points communs ».