Voyages en Italie, loin des clichés trop pâles d’une love story
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En 2020, elle désacralisait la maternité dans Énorme. Avec son nouveau long-métrage Voyages en Italie, Sophie Letourneur questionne désormais le lien du couple. Loin des comédies romantiques aussi fantasmées que prévisibles, la cinéaste s’intéresse à l’amour ordinaire et cela fait beaucoup de bien.
Il était une autofiction
Dans Voyages en Italie, Sophie Letourneur interprète une femme qui convainc son compagnon (Philippe Katerine) de partir quelques jours en vacances sans leur jeune fils. Elle rêve de l’Espagne, lui ne jure que par l’Italie : il faut dire qu’il y est allé avec toutes ses ex. Ce sera finalement la Sicile, et après tout, qu’importe puisque ce qui compte n’est pas la destination, mais les souvenirs et la complicité qu’on y fabrique.
Comme dans La Tête dans le vide (2004), Le Marin Masqué (2011) ou Les Coquillettes (2012), Sophie Letourneur joue devant sa propre caméra. Voyages en Italie s’inspire de souvenirs des vacances qu’elle a passées avec son compagnon en 2016. Ensemble, ils ont enregistré le récit détaillé de ce voyage sur un dictaphone. Cette matière sonore a ensuite été réécrite à travers des séances d’improvisation dirigées, puis retranscrite pour devenir les dialogues du film. Ce processus minutieux est extrêmement intéressant, car il permet de donner au film un aspect spontané et vivant, alors que tout est écrit à la virgule près.
Le couple burlesque, couple idéal ?
Sophie et Jean-Fi ont à la fois les préoccupations banales des couples de classe moyenne, comme se dépêcher de cuisiner le poulet périmé qui traîne dans le frigo, et un potentiel burlesque à pleurer de rire. Philippe Katerine nous offre des moments comiques intenses, jouant à la perfection la tragédie de se fouler une cheville la veille de partir en vacances. Et si le couple fictif qu’il forme avec Sophie Letourneur est loin « des clichés trop pâles d’une love story », comme le chante Jakie Quartz dans la bande originale du film, c’est aussi un couple idéal, dont les imperfections nous font rire autant qu’elles nous sont familières. Au gré des images, à mesure que l’on regarde ces curieux personnages se disputer, se rabibocher et puis recommencer, on décèle la tendresse du lien qui unit le duo.
Présenté comme dysfonctionnel et enlisé dans la routine, le couple compte bien sur ce voyage pour raviver la flamme. Malgré son titre faisant écho au Voyage en Italie (1954) de Roberto Rossellini, le long-métrage de Sophie Letourneur se concentre davantage sur ce qui unit ses deux protagonistes que sur la crise qu’ils traversent. Sensuelle et brûlante terre de volcans, la Sicile est une destination idéale pour mettre en miroir le fantasme et le réel. En effet, tout au long du film, Sophie et Jean-Fi sont confrontés à la comparaison avec d’autres couples. Pourtant, ils ont beau être désynchronisés et en perpétuelle indécision, c’est ensemble, face à la réalité, qu’ils termineront le voyage.
Le pouvoir inestimé du film de vacances
Dans Voyages en Italie, Sophie Letourneur se joue des codes du film de vacances. Lorsqu’on observe les images brutes qui défilent, tournées en grande partie au caméscope, on a l’impression de regarder un film documentaire amateur. Cette réalisation singulière donne à voir à la fois des fragments de petits plaisirs de vacances, comme la dégustation d’une limonata ou un bain de mer, mais aussi des reliefs narratifs particulièrement intéressants. Faussement nonchalants, les mouvements de caméras, et notamment le zoom, renforcent souvent l’aspect humoristique du film. Pourtant, sous sa trivialité déguisée, le film de vacances permet à Sophie Letourneur de donner de la profondeur et du réalisme à la relation entre ses personnages, car il laisse une place importante aux silences, aux regards et aux non-dits. Dans un registre très différent, le magnifique Aftersun de Charlotte Wells, sorti en salles en février 2023, offrait également un puissant sous-texte à travers l’apparence d’un film de vacances.
La dernière partie du film révèle une mise en abîme, puisqu’on voit Sophie et Jean-Fi en train d’enregistrer le récit de leur voyage dans le lit conjugal, à l’image de Sophie Letourneur et de son compagnon. On comprend alors que le film n’est autre qu’une restitution des souvenirs partagés. Le lit, lieu de négociation, d’inquiétude, voire de tue-l’amour (presque) tout au long du film devient ici un havre de complicité. Car finalement, plus que le voyage en lui-même, c’est le fait de le raconter ensemble qui renforce le lien entre les deux personnages.
Marie Serale | @marie_serale
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