Queer : l’obsession fiévreuse du désir
Être ou ne pas être queer ?
« Es-tu queer ? »
« Je ne suis pas queer, je suis désincarné. »
Ces phrases, prononcées à plusieurs reprises par les personnages de Lee (Daniel Craig) et d’Eugene (Drew Starkey), donnent une idée de l’ambiance générale du long-métrage. Queer nous plonge dans les songes qui hantent Lee et qui rythment son quotidien à Mexico, dans les années 1950. Cet écrivain âgé d’une cinquantaine d’années vit au sein d’une communauté d’expatriés américains. Ses journées se résument à errer dans le quartier ou à fréquenter les bars, habillé d’un éternel costume en lin, à la recherche de l’homme avec qui il passera la nuit. Lorsqu’il tombe sous le charme de Gene un étudiant amateur d’échecs, Lee semble entrevoir la possibilité d’un renouveau.
À mille lieues de son costume d’agent 007, Daniel Craig est surprenant dans le rôle de cet homme en plein spleen, à la fois rêveur et désabusé, rongé par un désir qu’il ne peut assouvir durablement et par des questionnements qui demeurent sans réponse. Le mot « queer » évoque à la fois l’identité sexuelle de Lee, mais aussi, au premier sens du terme, l’étrangeté du personnage, son inaptitude à faire face à la réalité. La peau moite, la démarche un peu bourrue, Lee se jette à corps perdu dans le désir (non-réciproque) qu’il éprouve pour Gene. À l’image du serpent qui se mord la queue (de manière explicite dans le film), Queer donne à voir comment l’errance de Lee le conduit aux confins de sa propre solitude.
Solitude psychédélique
Si la première partie du film introduit ce qui semble être un jeu du chat et de la souris, la seconde est tout autre chose. Plus désespéré que jamais après avoir été rejeté par Gene, Lee propose au jeune homme de l’accompagner dans une nouvelle quête illusoire : il compte voyager en Amazonie, à la recherche d’une plante hallucinogène aux vertus télépathiques. Le besoin viscéral d’être aimé, l’obsession de la jeunesse, le désamour de soi ou encore la peur de la solitude sont autant de tourments qui habitent le protagoniste de Queer. Et s’il désire tant ce voyage psychédélique, c’est moins pour enfin partager quelque chose avec Gene que pour continuer à vivre dans l’illusion.
Pour le spectateur, nul besoin d’une quelconque substance pour faire évoluer l’expérience de visionnage : du début à la fin, Queer est un long fantasme qui s’étire, jusqu’à donner à voir les images absurdes qui obsèdent et torturent Lee. On débute le film troublés, voire amusés par l’ambiance moite, les décors artificiels et les dialogues étranges. Pourtant, au moment du générique de fin, on se rend compte que ce voyage nous a laissés statiques, quelque peu lassés d’être en totale déconnexion avec les personnages et leurs émotions.
Marie Serale | @marie_srl