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Ma vie Ma gueule : « l’énigme de soi »

« C'est Barbie qui ouvrira la Quinzaine », nous a-t-on annoncé en avril, lorsque la sélection de la Quinzaine des cinéastes a été dévoilée. Cette Barbie se nomme en fait Barberie Bichette et déteste son surnom. Cette Barbie est dubitative devant son miroir, écrit des poèmes, se cherche, se retrouve. Cette Barbie est l'héroïne incarnée par Agnès Jaoui dans Ma vie Ma gueule, l’ultime film autobiographique de Sophie Fillières. 

La ballade de Lady Bichette

© Christmas in July

Barberie Bichette (Agnès Jaoui), est penchée sur son ordinateur à la recherche d’une police de caractère adaptée pour le titre « Ma vie Ma gueule ». Perfectionniste ou indécise ? Elle débat avec elle-même jusqu’à trouver la forme adaptée des lettres qui permettront à son projet de s’ancrer dans le réel. Ainsi s’ouvre Ma vie Ma gueule, l’ultime film de Sophie Fillières, décédée en juillet 2023. Dans cette comédie mélancolique, Agnès Jaoui incarne un alter ego de la cinéaste. Barberie Bichette a 55 ans, deux enfants et réapprend à vivre avec elle-même. Entre doute, quête de sens et épiphanie, le film nous donne à voir le cheminement en trois actes (intitulés « Pif », « Paf » et « Youkou ») d’une héroïne emplie d’une normalité fantasque qui la rend profondément attachante. 

Sophie Fillières nous pose une énigme universelle : comment composer durablement avec soi-même ? En mettant en scène des anecdotes vécues, des ressentis intimes et un chamboulement personnel dans un monde dont l’absurdité nous dépasse, elle nous permet de prendre le temps d’observer notre vie avec humilité. 

Fanfan et Katerine

© Christmas in July

Ma vie Ma gueule est empreint d’une fantaisie qui existe aussi dans notre réalité, pour peu qu’on lui accorde de l’importance. Dans le film, elle brille dans les rencontres improbables de Barberie Bichette (notamment avec celui qu’elle appelle Katerine Philippe, interprété par Philippe Katerine), mais aussi dans les formulations géniales de poèmes, de dialogues, de surnoms (comme Fanfan, le surnom attribué, dans le film, à l’ensemble du personnel de l’hôpital). Cette fantaisie nous invite aussi à nous considérer autrement, avec plus d’indulgence. 

Explorant le lien à soi-même dans toute sa force et sa fragilité, ce film de Sophie Fillières célèbre aussi le lien aux autres. Lors de la présentation du long-métrage à la Quinzaine des cinéastes, Agathe et Adam Bonitzer ont d’ailleurs déclaré que leur mère, hospitalisée pendant le tournage, leur avait demandé de terminer le film, car ils avaient « le même Nord ». Sophie Fillières signe ainsi une ultime comédie poétique qui nous touche en plein cœur et œuvre avec brio la sélection audacieuse de la Quinzaine des cinéastes. 

 

Marie Serale | @marie_serale