Une histoire de langage et de transmission

Dès sa scène d’ouverture, Le Règne Animal nous introduit le duo qui sera au cœur du récit : François (Romain Duris) et son fils Émile (Paul Kircher). Bloqués dans les embouteillages, ils dialoguent tant bien que mal, entre reproches et désaccords. Cette première scène pourrait très bien être celle d’une comédie, d’un drame ou d’un thriller, se basant sur le sujet commun des difficultés de communication entre parents et adolescents. Mais, quelques secondes plus tard, Le Règne Animal nous surprend : non seulement lorsqu’un homme-oiseau s’échappe d’une ambulance et sème le chaos, mais aussi et surtout quand les automobilistes reprennent la route, presque comme si de rien n’était. En quelques minutes, Le Règne Animal parvient à asseoir une proposition fantastique qui attise notre curiosité. 

Les humains se transforment en toutes sortes d’animaux, et c’est le cas de Lana, la mère d’Émile, placée dans un centre spécialisé, après qu’elle ait attaqué son fils. Au-delà des causes de ces mutations, Le Règne Animal s’intéresse à leurs conséquences et à leur façon de mettre en lumière les problématiques de communication, mais aussi de transmission entre les humains. Si beaucoup considèrent les êtres hybrides comme une menace, parce qu'ils ne les comprennent pas, d’autres, comme François, observent et tentent d’intégrer le changement qu’ils apportent au monde.

Pandémie ou évolution ?

D’où viennent les mutations ? Peut-on les contrôler ? Le Règne Animal apporte peu de précisions à son postulat fantastique et c’est très bien comme cela. Car au-delà de la fiction, ce sont de véritables réflexions sur le futur de notre monde qui naissent devant la caméra de Thomas Cailley. Dans le film, comme on pourrait l’imaginer si un tel phénomène se produisait dans la réalité, les forces de l’ordre sont mobilisées, tandis que les médecins tentent d’endiguer ce qu’ils considèrent comme une pandémie, en ayant recours à des traitements (médicamenteux et chirurgicaux) et à l’enfermement. 

Si l’on devine la réflexion écologique en filigrane du récit, ce sont les questionnements intimes, sociaux et existentiels qui prennent le dessus. Lorsqu’Émile commence, à son tour, à se transformer, il trouve instinctivement refuge dans la forêt, auprès de ses semblables, pour embrasser sa nouvelle nature. Il y rencontre Fix, l’homme-oiseau interprété par l’étonnant Tom Mercier, sans doute le personnage le plus complexe (et physiquement impressionnant) du film. Il souffre autant de sa condition que des traitements qu’on lui a infligés, mais finit par apprendre à voler. Quand les mutations choquent par leur aspect soudain et brutal, Le Règne Animal propose, jusque dans son titre, de les accepter comme une possible évolution de l’espèce humaine.
 

Il y a tant à dire sur Le Règne Animal et si quelques-uns de ses ressorts narratifs ne tiennent pas leurs promesses, il demeure frappant d’émotion et de poésie. Entre réflexions, hypothèses et images à couper le souffle, Le Règne Animal poursuit la réjouissante lignée des films fantastiques français qui fleurissent ces dernières années. 

Marie Serale | @marie_serale